Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

politique, il est séquestré au fond de quelque couvent ou prison, sans communication avec ses ouailles ; il a désigné un suppléant pour remplir ses fonctions en son absence, mais les tortures morales qu’il endure n’ont pas réussi à le contraindre à une abdication qui serait une désertion. Contre lui, les bolchévistes ont tenté de constituer une Église rivale ; deux évêques et quelques popes auraient prêté leur concours à cet essai de schisme et dressé autel contre autel. Ne serait-ce pas dans la même intention que les maîtres de la Russie se sont prêtés à certains pourparlers, d’ailleurs sans résultats, menés en Italie entre Tchitchérine et Mgr Pizzardo ? En cherchant à attirer en Russie les prêtres ou les religieux catholiques, les bolchévistes n’ont-ils pas eu l’arrière-pensée d’accentuer encore les divisions confessionnelles en laissant croire que le Pape se proposait de profiter des malheurs de la Russie et des souffrances de l’Église russe pour la ramener à l’unité catholique ? Le geste, spontané et d’ailleurs imprudent, de l’archevêque de Gênes a été adroitement commenté pour persuader au peuple et à l’Église russe qu’un accord s’était établi entre le Saint-Siège et le Gouvernement des Soviets, mais on s’est gardé de faire savoir que la diplomatie du Saint-Siège a d’abord cherché à faire servir les bonnes dispositions apparentes de M. Tchitchérine à la libération du patriarche et des ecclésiastiques emprisonnés et au rachat des objets du culte. L’Osservatore romano vient d’en publier les preuves. Le bolchévisme est, par essence, l’ennemi de la chrétienté sous toutes ses formes ; la diplomatie de Pie XI, dans la générosité de ses intentions, a été, comme d’autres, la dupe des attitudes conciliantes de M. Tchitchérine. L’Église russe saura se défendre et souffrir ; ce qui la touchera, c’est moins un secours diplomatique, qui s’est révélé illusoire, que la certitude que, dans ses épreuves, l’Église romaine souffre et prie avec elle.

À Londres, M. Poincaré et M. Lloyd George se sont trouvés d’accord pour hâter les solutions nécessaires dans la question d’Orient et celle de Tanger. La diplomatie française est prête à discuter, quand le Foreign Office y sera lui-même disposé, le statut de Tanger : elle a fait admettre que l’Espagne devait participer en tiers aux négociations. Le Gouvernement français est surtout préoccupé de sauvegarder, à Tanger, les droits du Sultan et le principe de l’unité du Maroc ; la municipalité internationale ne devrait avoir que des attributions proprement municipales, la souveraineté restant au Sultan avec le droit d’avoir une gendarmerie, une garnison, des fonctionnaires. Et si l’on nous objecte que, derrière le Sultan, il y a la France,