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légitimes espérances, est, pour le moment, écartée ; le Comité des banquiers s’est ajourné. S’il reprend ses séances dans quelques mois, quand l’opinion, aux États-Unis et en Angleterre, sera mieux préparée aux solutions nécessaires, ce n’est plus un emprunt allemand à l’extérieur qu’il faudra envisager, mais un emprunt international gagé sur les ressources et le travail allemands et garanti par toutes les Puissances petites ou grandes, belligérantes ou neutres, adhérentes à la Société des Nations. La réparation des dommages faits par l’Allemagne doit être payée par le travail allemand ; mais c’est une question de haute moralité politique, en même temps que d’intérêt général, qui engage tous les États. Il serait très important, pour la France et les autres nations victimes de la guerre, de se voir substituer, comme créanciers de l’Allemagne, l’ensemble des pays civilisés et de se trouver déchargées du rôle nécessaire, mais pénible et finalement dangereux, de créancier exigeant. La justice veut que, dans cette affaire, on cherche à sauvegarder les intérêts et l’avenir des peuples qui ont été les victimes de la guerre avant de penser à l’avantage de ceux qui en ont été les fauteurs. Et finalement tout le monde s’en trouvera mieux.

La ligue britannique de secours aux régions dévastées avait, antérieurement à son arrivée au pouvoir, invité M. Poincaré à des fêtes commémoratives en l’honneur de Verdun ; fidèle à ses engagements, il s’est rendu à Londres, avec Mme Poincaré, du 16 au 19 juin. Sa présence et celle du maréchal Pétain ont été l’heureuse occasion de touchantes manifestations d’amitié et de confiance ; les vrais sentiments du peuple anglais, dans sa grande masse, se sont fait jour avec éclat. Chez nos voisins comme chez nous, les morts parlent haut, et les vivants ont su, avec éloquence, traduire leurs voix. Ainsi tomberont peu à peu les préjugés et les incompréhensions. Il devient de plus en plus difficile de peindre aux Anglais M. Poincaré comme un homme d’État belliqueux et l’Allemagne comme une victime.

A l’issue d’un déjeuner, M. Lloyd George et M. Poincaré se sont ménagé un entretien politique ; ils ont eu la satisfaction de constater que, sur les grands problèmes actuels, leurs points de vue sont moins éloignés qu’on n’aurait pu le craindre. M. Lloyd George n’admet pas que l’Allemagne se dérobe indéfiniment à l’exécution de ses engagements. M. Poincaré a pu annoncer à son éminent collègue que la France acceptait de prendre part à la conférence qui s’ouvre à La Haye. Les experts français, sous la présidence de M. Charles Benoist, notre très distingué ministre en Hollande, ont participé à la