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presse qu’il ne s’était placé qu’à un point de vue purement technique. L’erreur des financiers a été de ne pas voir qu’ils encourageaient les résistances de l’Allemagne ; défait, depuis lors, la politique, dite d’exécution, du cabinet Wirth est de plus en plus attaquée, vilipendée ; on reproche au chancelier d’asservir l’Allemagne aux volontés de l’Entente, de céder aux exigences de M. Poincaré, qui ne rêve que de l’anéantir. Les concessions faites le 28 mai par le Gouvernement du Reich sont remises en question ; les partis nationalistes somment le chancelier de refuser tout contrôle, de sauver l’indépendance de l’Allemagne. La politique de fraude l’emporte. Non seulement on ne paiera pas, mais on multiplie les publications, les plaidoyers, pour démontrer que l’Allemagne n’est pas coupable de la guerre, qu’elle n’a commis aucune violation du droit des gens : l’Allemagne se pose en victime innocente des persécutions de la France militariste. Jamais, depuis l’armistice, l’orchestre des haines antifrançaises n’a été conduit avec plus d’ensemble. Si le comité des banquiers avait voulu renforcer cette symphonie de mensonges, il n’aurait pu donner une note plus opportune. Il n’a pas compris que la question des réparations, avant d’être financière et politique, est d’ordre psychologique et moral. L’Allemagne en plein travail trouverait du crédit le jour où il serait prouvé qu’elle a le désir honnête, le ferme propos consciencieux de s’acquitter de ses dettes. Un emprunt d’essai deviendrait alors possible ; d’autres suivraient, s’il réussissait. La politique française tendait à éloigner autant que possible et à éliminer l’échéance redoutable pour tous d’une contrainte par la force ; les banquiers l’ont rendue plus probable, peut-être plus proche. Est-ce ce qu’ils cherchaient ? N’ont-ils pas vu que si l’Allemagne ne paie pas, la France sera ruinée ? Le plus inattendu, c’est encore de trouver, au bas de la consultation des banquiers, la signature du délégué belge, M. Delacroix, qui, après avoir voté, comme membre de la Commission des réparations, pour l’extension de la compétence du Comité à l’encontre du délégué français, a encore, comme président du Comité des banquiers, laissé M. Sergent faire cavalier seul dans son refus de signer la consultation. Le Président du Conseil, M. Theunis, sans désavouer M. Delacroix, a affirmé que la Belgique, pas plus que la France, n’admettrait aucune réduction de la dette allemande et que le délégué belge n’avait jamais eu l’intention de s’associer à une manifestation qui aurait pu recevoir une telle interprétation. C’est tout ce qu’il convient de retenir de cet incident.

Il reste que l’idée d’un emprunt allemand, qui avait fait naître de