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Chronique 30 juin 1922


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

Le maréchal sir Henry Wilson vient de tomber victime des fatalités historiques ; il a été assassiné à Londres, le 22 juin, par deux sinn-feiners. La mort de ce grand soldat de la Grande Guerre, de cet ami éclairé de la France, provoque chez nous d’unanimes regrets, une indignation générale. Le deuil du peuple anglais est aussi celui du peuple français. Une véritable « entente cordiale » unissait le maréchal Wilson au maréchal Foch, et cette bonne harmonie a été un facteur important de la victoire. Le roi George, répondant aux condoléances émues du Président de la République, parle des « sentiments d’affection passionnée pour votre pays, votre nation et votre armée, » qui marquaient le caractère de sir Henry Wilson. Rien n’est plus vrai. Non seulement il aimait la France, mais, ce qui est plus rare, il la comprenait. Nous écrivions ici, il y a quinze jours : « Le sang coule en ! Irlande ; le canon anglais tonne : c’est le terrible héritage des siècles d’oppression. » Les trop longues souffrances, les haines longtemps comprimées sécrètent un venin spécial qui trouble les esprits et obnubile les consciences faibles : les terroristes irlandais, les nihilistes russes, les révolutionnaires arméniens, en sont de déplorables exemples. Loin de servir la cause qui leur est chère, leurs excès la rendent odieuse. Le crime de deux Irlandais éloigne de l’Irlande des sympathies que les malheurs et la constance de son peuple lui attiraient. Puissent du moins, sur la tombe du glorieux chef, les haines s’apaiser et la paix fleurir ! Les élections d’Irlande sont une défaite significative pour les extrémistes de M. de Valera ; ils n’obtiennent une trentaine de mandats, sur 128, que grâce au système de représentation proportionnelle dont ils ont exigé l’adoption ; le peuple irlandais, dans sa grande majorité, se prononce pour la ratification du traité anglo-irlandais ; il veut la paix. Mais les vieilles plaies sont lentes à cicatriser...