littérature ses maîtres accomplis. On le chicanerait là-dessus. On l’engagerait à ne trouver nulle part plus de « vérité » qu’il n’y en a dans Racine et dans Molière, dans La Rochefoucauld, dans La Bruyère, etc. Au surplus, ce que vous lui diriez, il le sait. Il allait vous le dire et vous l’aurait dit, n’en doutez pas, si la timide fierté qui est son caractère ne l’avait contraint d’écourter son avertissement, de le rendre si furtif ou évasif.
Ou je l’entends mal, ou il proteste contre la méthode que suivent nos meilleurs écrivains, l’analyse. Méthode excellente et, peut-être, insuffisante. L’analyse nous fait découvrir le passage d’un sentiment à un autre. Elle suppose donc que nos sentiments dérivent les uns des autres : c’est infliger à nos âmes une logique, au moins une règle, au moins une coutume ; et n’est-ce point en ôter la spontanéité ?
Les analystes à la française ne partent-ils pas d’un principe dangereux, qu’ils n’ont point formulé, qu’ils ne formuleraient pas sans le démentir aussitôt, qui serait que nos âmes sont assez bien raisonnables. Elles ne le sont pas ! répond M. Élémir Bourges, avec les poètes anglais du temps d’Elisabeth et de Jacques. Biaise Pascal note que « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. » Ses déraisonnables raisons, pour ainsi dire ; sa dialectique, cependant. Nos analystes, même quand ils remarquent les caprices du cœur, les rangent sous une espèce de discipline relâchée. M. Élémir Bourges, avec ses poètes anglais, remarque surtout la spontanéité de l’âme et, souvent, son absurdité.
Aussi reproche-t-il à nos écrivains de « rapetisser » l’homme : c’est le soumettre à la raison plus ou moins rigoureuse ; et de le « déformer : » c’est le peindre soumis à la raison, tandis que l’homme est absurde. La spontanéité, allât-elle jusqu’à l’absurdité souveraine, voilà si je ne me trompe, la « vérité » de l’homme, tel que M. Élémir Bourges l’a vu dans Webster, Ben Jonson, Ford, Beaumont, Fletcher et Shakspeare, sa « grandeur » aussi et son « héroïsme, » car il faudrait avoir vécu sous l’ancien régime à Versailles pour ne point dénigrer les jardins de Le Nôtre en faveur de la forêt sauvage et l’âme raisonnable en faveur d’une libre folie.
Je n’approuve pas tout à fait M. Élémir Bourges. Néanmoins, j’avoue que nos psychologues sont quelquefois trop fidèles à un aphorisme de Descartes, selon lequel nous n’avons d’idées que claires et distinctes. Cette opinion, depuis Descartes, a gouverné la psychologie française et n’est pas exactement juste. Il convient d’observer,