Or, il a principalement raison. L’auteur donne son œuvre ; et son œuvre est le signe de ses idées ou l’image de la beauté qu’il préfère. A vous d’évaluer ses idées et de les adopter ou de les refuser ; à vous d’aimer, ou non, la beauté qu’il vous offre. Il rougirait de vous la recommander, voire de vous la rendre plus intelligible. Et, si vous n’y comprenez rien, c’est dommage. Pour lui ? Pour vous.
Le jour que M. Élémir Bourges s’avisa de rédiger l’avertissement que j’ai cité, je me figure volontiers qu’il accordait à son lecteur plus d’amitié que jamais. La tentation lui était venue de ne pas chanter, comme le célèbre Isménias, pour lui seul et pour les muses. Il prenait son lecteur par le bras et lui disait : je vais te dire... Mais, bientôt, orgueil et modestie, son commencement d’exubérance l’effarouchait ; de sorte qu’il tournait court et n’avait dit que tout juste l’essentiel, promptement, et en moins de mots que n’en réclame un commentaire familier, persuasif et indulgent.
M. Élémir Bourges, dans cet avertissement, si preste, écarte les écrivains de son temps, ou bien se détache de leur groupe. Une plaisante politesse, et un peu ironique, fait qu’il appelle leurs ouvrages des chefs-d’œuvre : autant de chefs-d’œuvre qu’il n’approuve pas. Que leur reproche-t-il ? Le naturel, le méticuleux réalisme, une manière enfin qui rapetisse l’homme et qui le déforme.
Qui le rapetisse : ou, du moins, si nos romanciers, au bout du siècle dernier, avaient le soin du naturel et de l’exacte réalité, mettons qu’ils choisissaient pour modèle un homme assez petit, l’homme moyen, dans son trantran.
Qui le déforme : c’est qu’à l’avis de M. Élémir Bourges, l’homme ne se dévoile pas dans le trantran, mais dans les occasions plus singulières où les événements le secouent, les passions l’excitent, le dérangent de l’habitude, l’obligent à se montrer tel qu’il est.
Tel qu’il est ? Oui : « dans son héroïsme, sa grandeur, sa vérité. » Sans doute, ne sait-on plus ou ne sait-on pas, chez nous, peindre l’homme tel que le voilà : M. Élémir Bourges a dû entrer à l’école des poètes anglais du temps d’Elisabeth et de Jacques. Si vous n’avez guère lu Webster, Ben Jonson, Ford, Beaumont et Fletcher, repentez-vous ; en attendant que vous ayez réparé votre faute, le nom de Shakspeare vous est une indication précieuse.
L’homme de Shakspeare et de ses contemporains a-t-il plus d’héroïsme, de grandeur et de vérité que l’homme de Racine ? M. Élémir Bourges, s’il ne le dit pas tout net, le donne à entendre. Il n’aurait pas fait le voyage d’Angleterre, s’il avait trouvé dans notre