Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conforme à l’esprit qui a inspiré les quatorze points du Président Wilson, et ils nous accordent à peine, comme circonstance atténuante, que l’abstention des États-Unis en a peut-être faussé le mécanisme. Pas de confiance dans l’Allemagne, pas d’union entre les Alliés, tel est le grand grief. Qu’après une guerre de plus de quatre années, qui a mobilisé vingt millions d’hommes, on puisse constater que le monde ne s’est pas encore remis en place, c’est la faute qu’on serait même tenté de nous reprocher.

Ce serait mal juger M. Vanderlip que de croire qu’après ce sombre tableau de la situation européenne, son livre se termine par des conclusions pessimistes. Au contraire, il se refuse à penser que cette magnifique structure de l’Europe, qui est le travail des siècles, puisse sombrer dans le chaos, alors que tant de bonnes volontés se mettent au travail pour établir le nouvel ordre de choses sur lequel doit être fondée la paix du monde.

Le salut doit nous venir des États-Unis, qui sont, à l’heure actuelle, le plus grand réservoir d’initiatives et de capitaux. Exposons donc maintenant les projets de M. Vanderlip sur ce concours américain, et quel qu’en soit le destin, reconnaissons-leur, au moins, le mérite de représenter un réel effort vers des possibilités.

L’examen du plan de M. Vanderlip débute pour nous par un étonnement. On y trouve, en une sorte de préface, l’approbation du principe et de l’œuvre de la Société des Nations. Sans doute, l’Institution est loin d’être parfaite, puisque les États-Unis n’en font pas partie, mais elle n’en marque pas moins d’après lui un jalon sur la route du progrès européen. Son fondement, c’est l’esprit de justice dans les relations internationales, l’affirmation de la solidarité des peuples et de la communauté de leurs intérêts, en un mot, c’est un contre-poison apporté aux excès du militarisme, aux haines de races, à tout ce qui précipite l’Europe vers le désastre.

Sans doute la Société des Nations n’a pu exécuter tous ses projets, mais faut-il la rendre responsable, alors que les États-Unis la rement et que l’Angleterre voudrait l’ignorer ? Aussi M. Vanderlip ne s’associe point aux critiques trop faciles que dirigent contre cette Institution les pays mêmes où elle avait été le plus chaleureusement accueillie à sa naissance. Si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer, car où trouver une Cour suprême aussi hautement qualifiée, non seulement pour régler les conflits internationaux, mais encore promouvoir les grandes initiatives ou les réformes importantes auxquelles tous les peuples sont intéressés ?