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mais des acteurs jouant partout la comédie, et liés par des « engagements » formels (non avoués, mais dont le secret est celui de Polichinelle), le Conservatoire, — malgré la volonté de ses fondateurs, du ministres éclairés, voire de son éminent directeur d’aujourd’hui, — le Conservatoire tend à n’être plus qu’un « foyer de petit théâtre » que l’on traverse, la cigarette aux lèvres, en préconisant les bienfaits du « moindre effort, » au nom de « la nature » et de la « vérité ! » — Je m’empresse de constater que nous n’en sommes point encore arrivés à ce point. La tendance n’est pas générale ; nous avons encore d’ardents travailleurs conscients de leur devoir. Mais c’est trop que la tendance existe.

Nos concours annuels sont des épreuves scolaires, dont il ne faut pas s’exagérer l’importance. Ils sont toujours à peu près semblables les uns aux autres. Il n’y aura jamais dans les classes que douze à quinze types d’élèves, auxquels tous les ans concurrents et concurrentes se rapportent invariablement. Est-ce une raison pour en contester l’utilité ?

L’accusation, sans cesse ressassée, est celle-ci : « Ouvrez les palmarès du Conservatoire et vous constaterez que rarement les jurés ont su deviner le talent, dans cette maison rétrograde ! Sarah Bernhardt n’obtint qu’un second prix de tragédie, un accessit de comédie en 1861, qu’un « rappel » de second prix de comédie en 1862 ; Bartet, un second accessit de comédie en 1872 ; Réjane, un premier accessit de comédie en 1873 et un second prix en 1874 ; Coquelin aîné, un second prix en 1860 ; Mounet-Sully, un premier accessit de tragédie et un second prix de comédie en 1868 ; Guitry, un premier accessit de tragédie en 1877 ; un second prix de tragédie et un second prix de comédie en 1878... tandis que les plus hautes récompenses allèrent à des inconnus dont les noms ne diraient quoi que ce fût à personne ! »

Or il est facile d’expliquer « pourquoi » ces modestes nominations furent attribuées à ces jeunes gens devenus par la suite des artistes célèbres. Rappelons d’abord que les concours sont beaucoup affaire de choix plus ou moins heureux des scènes, de place dans le programme, de dispositions physiques... et que sais-je ?... Notre admirable Sarah Bernhardt conte allègrement l’aventure tragi-comique de ses deux concours [1]. Je me borne

  1. Mémoires de Sarah Bernhardt. Eugène Fasquelle, éditeur, 1907.