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C’est ainsi, du monticule où se dresse la fine cathédrale catholique, que le Maréchal a pu ce matin contempler la cité. Il avait déjà salué le Lieutenant Gouverneur, le docteur Mizuno, — le gouverneur, l’amiral Baron Saito, étant actuellement à Tokyo, — et le Général Commandant en chef les troupes de Corée ; il venait visiter l’École française groupée autour de l’église.

Un joli petit jardin naïf, tout en pente, qui regarde l’immense ville : à l’entrée, Monseigneur Mutel, l’évêque de Séoul, très grand, avec une admirable tête de beau missionnaire, entouré d’une douzaine de ses prêtres, attend le Maréchal ; et lorsque celui-ci pénètre dans le jardin, il ne peut s’empêcher de sourire : tout le long des allées montantes, de petites Coréennes alignées sous la surveillance de leurs maîtresses, des religieuses de Saint-Paul de Chartres, composent un spectacle étonnant et joyeux : elles portent des jupes un peu empesées et formant crinoline, de couleurs franches, vert d’eau, rose, jaune, bleu clair et des sortes de simples camisoles ; elles ont un front lisse et dégagé, les cheveux tirés en arrière et séparés par une raie médiane ; — et ainsi, elles ont l’air que nous avons vu, sur des daguerréotypes, à nos grand’mères au temps où elles étaient jeunes, où les jeunes filles s’appelaient Almaïde d’Outremont ou Clara d’Ellébeuse, jouaient au volant et chérissaient les oiseaux des Îles… L’illusion est étrange ; elle évoque un recul dans le temps bien plutôt qu’un spectacle exotique.

Le Maréchal s’avance au milieu de cette avenue enfantine, s’arrêtant parfois pour caresser une tête de fillette apeurée ou pour s’amuser des tableaux qu’on lui a ménagés : le jeu national coréen, une sorte de tremplin à bascule qui fait sauter aux enfants le double de leur hauteur ; une ronde accompagnée de cris gutturaux ; une séance de repassage coréen, fait à l’aide de bâtons ronds avec lesquels on frappe le linge pendant des heures entières. Il sourit, et cependant les fillettes le regardent un peu effrayées comme un bon géant venu elles ne savent d’où.

En quittant ce lieu naïf, visite au Consulat de France, où tous nos compatriotes sont réunis pour inaugurer une salle de cours de français que le zélé consul, M. Gallois, est tout heureux de pouvoir faire ouvrir par un académicien.

Après le déjeuner, offert par la municipalité, le Maréchal est allé au palais de l’ancien Empereur : dans les rues, une