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elle succombera, vers sa dixième année, aux fatigues du voyage en Orient.

Un sens poétique, qui n’est encore que touchant, ne se révèle-t-il pas dans les vers qu’on vient de lire et Julia n’a-t-elle pas, avec bien de la grâce, saisi le rythme qui semble perpétuellement errer autour d’elle ? En lisant sa chansonnette, on ne cesse de s’attendrir que pour songer : peut-être un véritable poète féminin, — il eût bien su fléchir la si douce ironie paternelle, — repose-t-il à Saint-Point, sous les espèces d’un petit corps d’enfant...


L’été s’est passé en incertitudes, en mutismes attentifs, en adroits coups de barre pour éviter de rentrer dans la vie active avec un poste inférieur et, cependant, ne pas lasser, ne pas mécontenter, ne pas se laisser perdre de vue. Entre temps, Lamartine prépare la publication des Harmonies, dont il déclare que quinze seulement sont lisibles sur cinquante. Il refuse de recommencer des visites en vue de l’Académie française, où pourtant, il sera reçu. Il s’ennuie ; il imagine, dans un engourdissement mélancolique, le voyage qu’il voudrait réaliser. Et il écrit à Montherot, qui vient d’être admis à la Société des Lettres de Mâcon (toujours l’ombre portée...) :


ÉPÎTRE IX

…………
Venez donc débiter ce sublime discours [1] ;
Mais avant, parmi nous arrêtez-vous trois jours.
Je donnerai le ton à votre muse gaie
Qui de notre importance avec raison s’effraie.
Car nous serons bientôt, m’écrit-on de Paris,
Tout à côté de Droz [2] et de Maret [3] assis.
Mon père attend ce jour avec impatience.
Je ne le flatte pas d’une fausse espérance,
Car tout annonce encore un terrible combat
Contre les vieux amis du ministre d’État.
Entre nous, tout dépend d’une boule flottante.
Nous aurons quinze voix chacun, s’il en est trente.

  1. Celui que Montherot préparait pour sa réception.
  2. Droz (Joseph), auteur de l’Essai sur l’Art d’être heureux.
  3. Maret, duc de Bassano, membre de l’Académie française.