Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Montculot. Jeudi.

Vous m’imposez, mon frère, une tâche bien rude.
De rimer en français j’ai bien peu l’habitude.
Mais il nous faut parler à chacun son argot.
Alphonse me prend donc pour son alter ego.
Je tiens sa plume ici ; que ne tiens-je sa verve ?
Mais pour sa matinée on sait qu’il la réserve.
……………
Montculot est tel quel que vous l’avez laissé,
Seulement, depuis vous, un talent a poussé :
Du talent paternel notre fille héritière
A mis, hier matin, son génie en lumière.
Son poème impromptu, sur un air de chanson,
À cinq ou six couplets. Voici l’échantillon :


Le Printemps, romance sur un air de valse, qu’on chante sur un pied en tournant autour d’une table ou en montant le sentier de la Motte.


La saison s’avance.
Les feuilles recommencent,
Déjà l’herbe danse
Au joli chant
Du vent.

Et l’eau qui murmure
Dessus la verdure
Rend à la nature
La voix du printemps.

Et je vais, seulette,
Avec l’alouette,
Au milieu des champs,
De ma chansonnette
Répéter les chants.

Voilà ses propres vers. Eh bien ! qu’en dites-vous ?
Les couplets de Charlot n’en sont-il pas jaloux ?
Alphonse s’en désole et dit avec tristesse :
« Que faire à la maison de cette poétesse ?
C’est assez d’un rimeur… »


Il était impossible que l’ambiance, jointe aux dons héréditaires, n’influençât point cette ravissante Julia auréolée de boucles blondes, qui ressemble tant à la mère du poète, et dont celui-ci parle sans cesse avec un exultant orgueil. On sait comment