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garçon qui inspectera le service de la table ou du lit chez M. de Chateaubriand ; or, je me sens trop vieux pour aller ailleurs, et trop fier pour ce métier [1]. » Et c’en est fait. Il ne pense plus qu’à la députation, dont on lui par le de tous côtés. Mais il n’a pas atteint les quarante ans réglementaires et il se contente d’esquisser, pour soi-même, une proclamation.


Sa popularité s’étend. « Vous serez aussi puissant à la tribune que dans vos vers, » lui prédit Victor Hugo. Il va à Paris, où l’on refuse la démission qu’il offrait. « J’y suis toujours fêté, aimé, prôné, caressé, enivré d’encens et de faveurs. » Il suit très attentivement le mouvement politique, prend soin de rester dans le vent et prévoit la révolution de 1830.

Montherot, lui, bien aise d’être sans autre ambition, poursuit celle de parfaire les alexandrins à l’égal des reliures, et rêve d’enflammer son inspiration à celle de son correspondant.


Janvier 1829.

Eaux d’Hippocrène, heureux le rimeur qui vous lampe !
Dis-je tous les matins en allumant ma lampe ;
A l’ouvrage ! Invoquons le rythme alexandrin.
Las ! Pour l’alexandrin, je me sens mal en train.
Après quelques instants je rejette ma plume
Et vais à l’atelier relier un volume :
Dans cet art-là je suis un habile ouvrier,
Mais quand je veux des vers essayer le métier,
Je suis pour tout sujet également stérile,
Hors pour un seul : à vous quand j’adresse mon style,
Je me trouve en haleine et parfois inspiré ;
L’encre ne coule pas assez vite à mon gré...


En avril, il va retrouver Lamartine à Mâcon. Rentré à Lyon, il lui envoie des vers de son fils, le petit Charles, qui n’a que sept ans, — et qui rime !

A l’automne de la même année, après une nouvelle visite, — à Montculot, cette fois, — Montherot reçoit à son tour une lettre qui est unique de sa sorte dans l’album. Il faut croire que le pacte est toujours bien rigoureux, puisque Lamartine, ayant prié sa femme de le remplacer, la pauvre Anglaise est contrainte de diviser ses lignes en parties égales, mariées entre elles :

  1. Lettre à sa mère.