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Mais il est doux aussi de vivre à sa manière,
Soit dedans son château, soit dedans sa chaumière,
De fouler sous ses pieds l’uniforme poudreux
Dont le galon cuivré peut faire dix heureux,
De laisser à jamais dans l’ombre d’une armoire
Et l’escarpin à boucle et la culotte noire
Et, vêtu de futaine ou bien de molleton,
De passer sa journée à battre du carton,
A tailler son jardin, à ramer des pois chiches,
A chercher dans ses bois d’amoureux hémistiches,
A rêver, à dormir et même à s’ennuyer...
Il faut un peu d’ennui pour se désennuyer !
J’en suis là : j’ai besoin d’un an de solitude
Et de ce doux ennui dont j’ai tant l’habitude ;
Je puis reprendre après quelque poste d’honneur ;
Mais, pour ce moment-ci, votre humble serviteur !
…………


D’Aix, Montherot ne manque pas à la réplique. Il confie que le lac du Bourget l’incite aux plus émouvantes rêveries, et conte l’histoire d’une sienne Elvire qui fait assez humble mine à côté de l’inspiratrice du Lac. Mais ceci n’est qu’une vérification, après tant d’autres, des proportions respectives du confident et du héros.

Lamartine, avant de quitter l’Italie, a risqué une tentative encore, inutile comme les autres, dans le sens de la carrière. Il a prié son ami Sercey de le mettre sur les rangs pour le poste de Rome, où il serait en peu de temps chargé d’affaires, si Chateaubriand, avec lequel il est en froid, ne s’interposait.

Le sort en est donc jeté ! Il abandonne « avec regret ce pays ravissant et cette Cour, surtout, la plus vertueuse, la plus aimable, la plus amicale, etc.. Nous serions de grands ingrats si nous ne laissions pas ici une partie de nos cœurs [1]. »

Il a attendu l’arrivée de M. de Vitrolles pour fréter la voiture de louage dans laquelle il partira dès que, l’ambassadeur ayant été présenté partout, le chargé d’affaires pourra se démettre de ses fonctions. Il appert qu’il a fallu trois semaines à cet équipage pour mener de Florence à Mâcon Lamartine et sa famille. Montherot l’apprend avec effroi :

  1. Lettre à la marquise de Raigecourt.