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Que fait-il ? Il occupe une première place...
Où ? Dans un comité de marchands de Lyon !
Auri sacra fames !... Mais non, c’est qu’il s’ennuie !


« Virieu, continue Montherot, me pria de lui répondre sur le même ton, en le grondant de ce qu’il ne rêvait qu’à se faire nommer député. » La réponse est tort longue ; je n’en citerai que quelques vers :


Illustre producteur de vers mélancoliques,
Vos fourneaux dès longtemps pour nous n’ont rien fondu ;
Votre Muse à nos vers si beaux, si poétiques,
A fait la sourde oreille et n’a rien répondu.
Celui dont la pensée était fille d’Horace,
Celui que je nommais l’émule de Byron,
Que fait-il ? A la Chambre il postule une place...
…………
A la gloire des vers tu deviens insensible
Et ton âme descend jusqu’à l’ambition ?
Le rival de Byron n’est plus qu’un éligible ?
Il ne rêve qu’un mot : représentation !
…………


Tout le morceau, bien qu’amical, est écrit sur un ton de satire aiguë, parfois cinglante, et se termine par une exhortation à « saisir le seul laurier que le ciel lui destine. »

Les intimes de Lamartine manquent-ils de confiance en ses capacités d’homme d’État ? Une intuition ne leur montre-t-elle pas plutôt leur ami à jamais séparé d’eux, s’éloignant seul sur une route ascendante et lumineuse, d’où l’on ne redescend guère qu’en tombant ?..


Voici les dernières épitres échangées avant le départ de Florence. Lamartine s’est peut-être un peu reproché d’avoir si distraitement écouté les doléances de Montherot. Il s’avise de son silence et réclame affectueusement ;


ÉPÎTRE VII


Livourne, 23 juillet 1828.

Que devenez-vous donc, mon très cher camarade ?
Êtes-vous mal portant ou seriez-vous malade ?
Votre Muse jamais ne se fit tant prier
Pour noircir de ses vers un carré de papier.