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Des tasses qu’on prépare et du beurre qu’on bat. »
Ma pendule a sonné dix heures ; mais, ah ! bah !
J’oubliais de vous faire une lettre de change :
Ecco là ! Mettez-y date qui vous arrange
Et, si vous me pouvez prêter dix mille francs,
Très sérieusement encore, je les prends.


Lamartine s’est empressé, dès le lendemain, d’en écrire à l’abbé lui-même :


Florence, 13 février.

« Tranquillisez-vous, mon cher et vieux pasteur... Comptez sur mon amitié à toute épreuve ! J’approuve tout ce que ma mère a fait et je, sais très bon gré à Montherot de ce qu’il a avancé. C’est un bon cœur et un bon esprit. Si on vous chasse de votre jardin, établissez-vous dans ma maison ou dans mon jardin de Saint-Point ou de Montculot ; je vous y offre asile, bon feu, bon dîner et bon plaisir d’hôte, etc. »


A Florence, Montherot fait connaissance avec le casino-maisonnette. Il accompagne ensuite Lamartine à Casciano, où tous deux prennent des bains minéraux. Puis, renouvelant l’équipée de Chapelle et de Bachaumont, jadis, en pays languedocien, les poètes vont ensemble jusqu’à Pise où ils se quittent et, dès le 23 mai, une épitre de Montherot part de Gênes :


Ce vingt-trois mai, dans Gêne, hôtel de l’Aigle d’Or,
De ma chambre je vois, bien mieux, j’entends le port.
Dans ce port turbulent, quel horrible tapage !
Vous pourrai-je, mon cher, griffonner une page
Parmi tout ce fracas où je suis exposé ?
Si j’étais sourd, bien sourd, ce serait plus aisé !
…………


Le 12 juin, il se plaint beaucoup :


…………
Savez-vous ce que c’est qu’au foie empâtement ?
Je ne le comprends pas ; mais puisqu’hélas ! j’en tâte,
La Faculté me traite afin qu’il se dépâte ;
Que ne puis-je oublier mes maux en les rimant !
Pauvre piéton, quel fruit de tes courses superbes !
Tu crus en rapporter la santé, la fraîcheur ;
Et te voilà réduit au reptile suceur
Accompagné de bains, pilules et jus d’herbes ! [1]

  1. Il se confirme ici que Lamartine entraînait son beau-frère à la marche. On imagine fort bien leurs silhouettes côte à côte : l’un, svelte, élancé, escaladant les collines à grandes enjambées, afin de dominer vite et aisément les vastes espaces où flottent des nuées ; l’autre, gêné par sa corpulence et même un peu geignant, mais pressant le pas de son mieux pour se maintenir au niveau de son illustre guide, en même temps qu’à la riposte.

    Que si cette image suggère à mes lecteurs celle d’un autre couple d’amis, célébré par Cervantes, mon devoir est de leur laisser toute la responsabilité d’une comparaison aussi irrespectueuse.