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aimablement nous montre tableaux, étoffes, céramiques, porcelaines, les merveilles qu’il a réunies. De là nous allons à la maison que l’Académie occupe actuellement et provisoirement et qui est située dans Stat Street.

Réunion intime, pour laquelle l’Académie avait rassemblé une trentaine de ses membres ; cette institution compte cinquante membres, littérateurs, philosophes, historiens, peintres, sculpteurs, architectes, musiciens, disséminés sur tout le territoire depuis l’Atlantique jusqu’au Pacifique, et qui se rencontrent rarement tous, à la même minute, à New-York. M. Murray Butler nous a souhaité la bienvenue ; il n’y a pas eu d’autres discours ; par une attention délicate et connaissant nos goûts, le Président M. Sloane ne nous a pas invités à prendre la parole, mais à prendre le thé dans un salon fleuri des plus belles roses, de cette rose américaine nacrée, aux tons de chair et de perle, et qui même en bouton présente deux ou trois pétales développés, précoces, qui se déploient comme des ailes, semblent chercher une aventure, et font penser à une rose qui serait un peu flirt dans la meilleure société des roses.

Le soir, grand banquet dans le hall du Ritz Carlton. À la table d’honneur avaient pris place M. Sloane, le maréchal Joffre, de passage à New-York après son voyage aux Indes, notre ambassadeur M. Jusserand, le chancelier M. Brander Matthews, le secrétaire M. Robert Johnson, M. Owen Whister, le célèbre romancier et les deux représentants de l’Académie française. Dans une loggia, un orchestre de musiciens, peut-être allemands, me dit mon voisin entre haut et bas, joue la Marseillaise et l’hymne national des États-Unis. Discours de M. Sloane, discours de M. Jusserand, remise de croix d’officiers de la Légion d’honneur à M. Sloane et à M. Matthews. On se croirait en France. Puis le dîner commence. Disposés par groupes de huit, autour de quarante-trois tables, il y a environ trois cent cinquante invités, hommes et femmes, représentant ce qu’il y a de mieux in letters and social life. (Je comprendrai assez vite l’anglais, de façon à me débrouiller.) Et, en regardant tous ces gens qui dînent ce soir ensemble, le 24 avril 1922 et, somme toute, à cause de Molière, je songe que si Molière pouvait savoir combien et comment on s’est occupé de lui après sa mort, il serait bien étonné et qu’il serait étrangement surpris s’il pouvait voir, entre autres choses, qu’à l’occasion du tricentenaire