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S’il veut en être aimé, doit engraisser sa terre.
J’y bâtis une église et fonde un hôpital
Pour qu’on y vive bien et n’y meure pas mal !
Je le sens, chaque jour, hélas ! dans ce bas monde,
La gloire et le plaisir sont du vent et de l’onde :
Il n’est rien de certain que le bien fait pour Dieu.
Prions donc et donnons. Sur ce, mon cher, adieu !


Cette lettre restant isolée, c’est encore à la Correspondance qu’il nous faut recourir pour savoir ce qui se passe chez le poète. Il en est toujours à attendre M. de la Maisonfort (qui dans cette affaire, ressemble un peu, le pauvre homme, à M. de Marlborough). Il est impatient et las. Il voudrait bien rester, s’il était sûr que ce fût à son gré ; sinon, il voudrait bien s’en aller et, en ce cas, le plus vite possible, car les lieux où l’on n’est point se parent de délices illimitées et il ne songe qu’aux sites qui virent errer sa jeunesse excédée d’eux.

Enfin, en octobre, on apprend la mort du ministre ; Lamartine doit songer tout de bon à ce que vaudra bientôt pour lui la diplomatie. Ses parents souhaiteraient qu’il restât dans la carrière ; lui, qui rêve d’une action plus personnelle et plus vaste, considère comme inacceptable tout ce qu’on lui offre et fait à sa mère la déclaration inattendue que « ni sa belle-mère, ni lui, ne sont plus d’âge à courir l’Europe de résidence en résidence. » Ceci, pour expliquer son refus du poste de Bruxelles. Il refuse également Berne. D’autre part, il n’obtient rien de ce qu’il accepterait : le poste de Lucques ou de Naples, ou encore celui de Constantinople qu’il a fait demander par son ami Sercey. Londres, qu’il prendrait à défaut de ces régions ensoleillées, lui échappera aussi. Avec les arrière-pensées politiques qu’on lui devine, il abandonnera la carrière plutôt que d’y végéter. En attendant, il reste en Toscane comme l’oiseau sur la branche, mais voudrait bien ne la quitter, cette branche, qu’une autre ne lui fût assurée, et il se garde de rien brusquer.

Entre temps, il achète une demeure dans la ville même, regardant Fiesole, et de crainte d’inquiéter les siens, ne leur parle que d’une maisonnette, acquise parce qu’il faut être raisonnable et se délivrer des soucis du loyer.

Toujours point d’épîtres. En décembre, il fait dire à son beau-frère qu’il a « trop d’affaires ennuyeuses pour griffonner des vers, même épistolaires. »