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Cet heureux temps approche : on dit et je le crois
Que mon Ambassadeur revient après deux mois.
Il apporte, dit-on, mon congé dans sa veste.
Dès que je le tiendrai, du diable si je reste !
J’irai, dans ma calèche étendu mollement,
Vers Mâcon et Dijon me distraire un moment,
Puis, jusque vers Paris poussant encor ma course,
Y bien remplir ma tâche en épuisant ma bourse.
Puis, je m’en reviendrai bien vite, avant le froid,
Vers les bords de l’Arno m’abriter sous mon toit.
J’y passerai l’hiver ; mais, dès que Philomèle
Reprendra dans vos bois sa romance éternelle.
J’irai, accompagné de toute ma maison,
M’étendre à Montculot dessus un vert gazon.
Alors, venez alors, ô vous, ami des Muses,
Ranimer l’astre éteint que ce lieu me refuse
Et me lire en riant vos chants gais et plaisants ;
Je ne sais plus chanter, mais j’aime encor les chants !
De qui ? Je n’en sais rien. Mais des anges, peut-être.
L’industrie a tué nos poètes à naître.
On admire en ces lieux le grand Monsieur Dupin [1] ;
Le siècle n’a qu’un cri : des chiffres et du pain !
…………
Vous parliez de Monceaux ; oui, ceci change fort
Les projets incertains que nous avions d’abord.
Cependant je ne sais, — jusqu’à ce que je sache, —
Ce qu’avec très grand soin une tante me cache,
Si je pourrai jamais le vendre ou le garder.
S’il me coûtait trop cher, je le pourrais céder,
Mais si, libre de legs, de frais et de partage,
Je recevais un jour ce bon vieux héritage,
Je vous le dis, mon cher, avec sincérité,
Pour passer mes vieux jours dans ce site enchanté,
Je le conserverais peut-être à ma famille
Et donnerais alors Montculot à ma fille.
A propos, j’irai donc, en octobre au plus tard,
Comme en juillet passé, prendre un bain à Montbard ;
Et je vous porterai douze ou treize cents livres.
Avec tous les deniers que comportent mes livres,
Je suis fort en argent. Je m’en vais arranger
Montculot et Saint-Point pour y très peu loger.
Mais je crois, comme vous, qu’un bon propriétaire

  1. Baron Dupin, économiste et mathématicien.