Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai voulu corriger, changer, mais vainement.
Classique professeur, critiquons gravement...


La comparaison des textes de l’album avec l’édition définitive des Harmonies permet de constater qu’à diverses reprises l’auteur s’est rangé aux critiques de son beau-frère [1]. Il a tenu bon, pourtant, contre l’addition d’une vingtaine de lignes par lesquelles celui-ci souhaitait que fût étendu l’hommage filial rendu au chevalier. « Ma variante, note Montherot au bas de la page ajoutée par lui à Milly, ne fut pas admise par l’auteur. Ces vers, surtout les derniers, n’étaient pas dignes de lui. Cependant, il m’en fit compliment. Aux quatre vers trop froids sur son père, il en ajouta quatre beaux rappelant le 10 août, où son père avait risqué bravement sa vie. »

« Cependant, il m’en fit compliment... » C’est exact. Quand Lamartine reçoit de Montherot un petit cours de prosodie, il le remercie avec un élan tel qu’on pense d’abord à de l’ironie. Il n’en est rien ; le poète, quelle que soit du reste la mesure dans laquelle il observera les critiques, leur fera place et, loin de trouver hardi le critiqueur, se loue de ses bons offices et le félicite de son éloquence :


ÉPÎTRE IV


Florence, 28 février 1827.

Ma foi, j’ai trouvé mon Sosie !
Et quand je lis ces vers aux miens entrelacés,
Je reconnais ma poésie.
Je pense les avoir tracés.
A mes vers incomplets ajoutez-les sans crainte ;
Je les signerais volontiers.
Je vous croyais très fort en romance, en complainte,
Mais vous avez grandi, sur ma foi, des deux tiers !
A Florence, à Paris, à Pékin comme à Rome,
A sa toise, mon cher, on mesure chacun ;
Et l’on dit gravement, en parlant de quelqu’un :
« Il est à mon niveau, donc il est un grand homme. »

  1. Un grand ami des beaux autographes, M. Louis Barthou, rapporte dans un recueil de mélanges littéraires intitulé ; Impressions et Essais (Fasquelle, 1914), comment il eut la joie de se rendre acquéreur d’un carnet contenant les brouillons de trois Harmonies, dont l’une est Milly, datée de Florence, 29 janvier 1827, et numérotée 19e. M. Barthou collationne directement ce brouillon de Milly avec le texte des éditions. Nous aurons donc à interposer entre ce premier jet et la version définitive un « état » intermédiaire, qui est la copie envoyée à Montherot, surchargée des suggestions de ce dernier.