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mais on se trompe sur soi-même. Alors, demande à Montherot trois cents à quatre cents vers que je viens de lui adresser sur le séjour de notre enfance. Ils me plaisent moins ; peut-être vous plairont-ils plus. »

Ces trois à quatre cents vers ne sont autres que Milly, et l’on voit avec quelle modestie il s’exprime à leur égard.

Lamartine, en effet, ne parvient pas à considérer que sa mission en ce monde soit uniquement de le chanter. Un pressentiment l’avertit qu’une vocation moins facile l’appelle à des cimes dont il ne sait pas encore le nom, mais où ne figure plus, le Parnasse. Sans cesse et inexplicablement, — si on ne l’explique ainsi, — il lutte contre la consécration définitive par où ses admirateurs couronnent en lui le divin musicien, l’ineffable joueur de flûte...

Bref, autour de lui, la collaboration critique est permise. Il fait songer à un lion qui laisserait peigner sa crinière par des enfants !

On a remarqué, au début de l’épitre du 28 mars, une allusion qui se rapporte à Milly. Le précieux album contient la première mise au net qu’en fit Lamartine pour M. de Montherot, qui, n’eût-il point d’autres titres à notre sympathique intérêt, est bien assuré désormais de le mériter grandement. Il ressort des épîtres suivantes qu’il fut l’incitateur de la célèbre Harmonie par une lettre écrite de Mâcon, le 15 décembre, lettre non contenue dans l’album, mais où très certainement il rappelait la demeure ancienne ; et tout porte à supposer que les vers sur Milly, dans la pensée de Lamartine, du moins lorsqu’il commença de les écrire, ne prétendaient qu’à l’effusion intime et privée par laquelle il répondait à son parent :


Pourquoi le prononcer, ce nom de la patrie ?
Dans son brillant exil, mon cœur en a frémi !


Une brusque émotion le saisit ; l’inspiration descend ; les images magnifiques palpitent autour de lui, s’abattent sur le feuillet blanc qu’elles transfigurent, font enfin, d’une simple lettre, un chant qui ne cessera plus de résonner...

Mais Lamartine, en 1827, ni son beau-frère, n’en augurent point ainsi.

Le poète a transcrit gon dernier vers :


L’adieu, le seul adieu qui n’aura point de larmes...