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Quel plaisir, quand on est détrompé de ce monde,
Quand la jeunesse a fui comme une eau peu profonde,
Quand on se moque au fond des mille vanités,
Qu’en vers (rimes, dit-on), Salomon a chantés,
Quel plaisir de s’asseoir au flanc d’une colline
Avec de vieux amis, Virieu, Lamartine,
Ou tel autre animal qui, des hommes lassé.
Hors de la sphère active à la fin s’est placé,
Et, bornant tous ses sens au sens philosophique,
Unit à vos ennuis son ennui sympathique !
Quel plaisir (mais il faut le répéter trois fois,
Sans quoi, du lecteur coi l’haleine est aux abois),
De parler à loisir pendant que le jour baisse,
De passé, d’avenir, de vertu, de sagesse,
De sottises, de vers, de musique, de tout,
Et de dire à la fin dans un même dégoût :
« Voilà donc ce que c’est que l’homme et que la vie !
Voilà donc ces sujets de regrets ou d’envie !
Voilà donc !... » Mais, messieurs, allons-nous en dîner,
Car le jour sur Prato commence à décliner,
Et Ave Maria, cette heure du silence,
Sonne de tous côtés dans les tours de Florence !
Adieu donc ! Je m’en vais endosser le harnois,
Et, pour représenter le plus puissant des rois,
Sur un maigre mollet qu’un faux mollet décore
Mettre un long caleçon qui le grossit encore,
Puis tirer sur le tout une paire de bas
Trop étroits pour le haut, trop larges pour le bas ;
Puis chausser de travers deux pantoufles pareilles
Dont la boucle d’or faux unit les deux oreilles,
Puis coiffer un chapeau dont, par plus d’un affront,
La corne officielle a fléchi sur mon front ;
Puis, revêtant l’habit dont la trame un peu plate
De ma promotion atteste encor la date,
Faire dire aux badauds charmés de mes succès [1] :
« Pour porter l’uniforme il n’est tel qu’un Français ! [2] »


M. de Montherot, qu’enhardit l’enjouement de son beau-frère, réplique par une épigramme :

  1. Rime obligée.
  2. On met trois accents circonflexes sur français (orthographe des calicots, 1re leçon).