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élevé à la mémoire d’une morte. Tantôt il habite Parme, où il rencontre Marie-Louise, « jeune captive, ravie par l’Achille moderne, » Chryséis allemande dont, bien entendu, il excuse la tiédeur à l’égard de Napoléon et dont il surprend, ce qui ravit son goût de l’idylle, les amours avec M. de Neipperg.

Il est aussi à Modène, qui serait pour lui sans grand charme, s’il n’y avait la duchesse, « digne mirage d’Eléonore, idole du Tasse [1]. »

Heureux introducteur d’une gloire naissante, M. de la Maisonfort présente Lamartine à la cour de Florence. On sait quelle amitié eurent pour lui le grand-duc Léopold et sa femme et quel accueil il reçut d’eux. Le poète, qui aime les grands comme il aime les petits, d’un cœur largement ouvert, est assez tiède pourtant quand il parle du grand-duc : à travers ses réticences courtoises, il le juge avare et solennel. Mais il s’enthousiasme pour la grande-duchesse qui, de son côté, le considère « non pas comme un diplomate, mais comme un homme qui mettrait... de l’idéal partout. »

Lamartine retrouve la coterie grand-ducale à Livourne où les princesses (la grande-duchesse et sa sœur) profitent de la familiarité des bains de mer pour entrer quotidiennement dans sa maison ; les enfants princiers jouent avec sa fille « dans le jardin, sous les orangers, à la fraîcheur du jet d’eau. »

Leur intimité n’est interrompue qu’officiellement par l’épisode assez fâcheux du Dernier chant de Childe Harold. Un duel entre le poète et le colonel Pepe régla l’incident le plus courtoisement du monde ; Lamartine se montre, en cette seule fois, meilleur diplomate que durant toute sa carrière.

Il s’accommode de ses charges, bien que, la première année, ses illusions sur leur utilité ne paraissent pas grandes. Mais en octobre 1826, une circonstance survient qui transforme la situation. Le marquis de la Maisonfort est obligé de se rendre en France. Pour parer à son absence, qu’on croit devoir être brève, Lamartine est nommé, par M. de Damas, chargé d’affaires et investi des responsabilités de la Légation. Or, le retour du ministre est différé de semaine en semaine, de mois en mois ; puis on apprend sa mort, et, jusqu’à ce qu’un nouveau chef soit désigné, Lamartine garde son poste : cet intérim aura duré près de deux années.

  1. Lamartine par lui-même.