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qu’un mariage d’amour, mais qui lui assure un bonheur sérieux et calme.

Il a reçu le poste d’attaché d’ambassade, et cette nomination a mis un terme à l’incertitude de ses vœux, car il hésitait entre plusieurs carrières.

Au pays même des Muses, sous le soleil qui semble dorer et mûrir la pensée mieux que partout ailleurs, Lamartine aborde une période qui restera unique dans sa vie. Sûr de soi, non pas comme Gœthe à qui son jeune triomphe apollonien semblerait parfois l’apparenter, mais avec une sorte d’ingénuité, de nonchalant détachement, il jouit d’une renommée « européenne universelle, » selon l’expression de M. de la Maisonfort [1]. Il a transformé en verbe lyrique l’âpre et stérile tristesse dans laquelle il se rongeait muettement, il l’a transformée aussi en or, cet or qui glissera de ses doigts plus aisément encore que de sa plume les mots ailés :


Chacun de ses « hélas ! » lui vaut une pistole !


constate Montherot, fraternellement satisfait. Aussi est-il presque heureux, presque insouciant... Les années qu’il passera en Toscane vont miraculeusement enrichir et prolonger cet état d’esprit. Il en parlera bien souvent plus tard, et toujours comme de la « délectation de sa jeunesse ! »


Et voilà qui nous ramène à l’album de Saint-Point, puisque la correspondance y débute par une lettre datée de Florence.

Mais tout d’abord, il nous faut supposer, — et nous le pouvons assez sûrement, — un entretien antérieur où Lamartine et Montherot se seraient égayés aux dépens des romantiques et de leur goût descriptif, comparant leur manie de faire rimer des chiffres ou des noms propres au procédé de Boileau, particulièrement dans les Épîtres. « Le salon de Mme X, » poème romantico-descriptif, signé des deux beaux-frères, n’est qu’une parodie inspirée, — nous apprend une note au bas de la feuille manuscrite, — par la lecture de la Muse française.


Sur ses gonds bien huilés le double battant s’ouvre,
Le noble intérieur du salon se découvre

  1. Lettre écrite à Lamartine aussitôt sa nomination officielle.