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façon tragique. Mme de Montbazon était morte au moment de ce dîner théologique, mais non point Mme de Châtillon. Et c’est bien à cause de sa passion pour elle, comme par haine de Mazarin, qu’il voulut remettre à Condé cette forteresse de Péronne dont il était gouverneur, et l’ôter au roi. Amour d’une femme qui se mêle de politique, haine d’un ministre : source de bien des sottises politiques, en ce temps-là comme en d’autres. « Il se jetoit dans les affaires sans en considérer les suites, » dit Bussy-Rabutin. Cela se passait le 24 août 1655. Pendant que le maréchal cherchait à débaucher de leur devoir les notables de la ville, qui résistaient, « Mme la maréchale vint sur ces entrefaites et supplia son mari de se désister de ses prétentions ; sa démarche fut payée d’un soufflet de la part du maréchal, » dit l’Histoire. La maréchale était loyaliste, peut-être par loyauté, peut-être parce que la duchesse de Châtillon ne l’était pas. Au reste, elle eût sauvé son mari. D’Hocquincourt, toujours léger et ce jour-là brutal, n’eut même pas la bravoure civique : il se déroba par une porte d’eau, et fila sur la rivière, à l’indignation des Picards qui tenaient pour le roi. Une fois derechef en campagne, il retrouva sa bravoure militaire. La veille de la bataille des Dunes, il était au siège de Dunkerque, dont Condé voulait empêcher la prise. « Avec cette valeur peu considérée qu’il a eue toute sa vie, le maréchal d’Hocquincourt s’avança, le 12 juin, fort proche des lignes pour les reconnaître, où il fut salué d’une décharge de mousquets d’un corps de garde suisse, dont il fut tué, » dit la chronique. Il perdit ainsi la vie, « qu’il quitta, ajoute Mme de Motteville, avec un sensible regret de mourir hors du service du Roi. » — C’est le dernier des maréchaux rebelles.


ROBERT DE LA SIZERANNE.