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auprès de leur grande lance épique, la devise qui ornait le sabre de M. Joseph Prudhomme, il serait rigoureusement juste de la leur appliquer.

Aussi, que de tragédies dans leur histoire ! Combien de ces têtes minutieusement parées de toques et de bicoquets, cerclés de fraises, saupoudrées de fards, minutieusement dessinées par Porbus ou Stella, Clouet ou Dumonstier, ont roulé sur l’échafaud, après une bataille perdue ou une intrigue défaite, de Biron à Louis de Marcillac et à Montmorency, tant et si bien, que le maréchal de Saint-Géran de la Guiche, se sentant mourir, à la fin de l’année 1632, disait : « On ne me reconnaîtra pas dans l’autre monde, car il y a longtemps qu’il n’y est allé de maréchal de France avec la tête sur ses épaules. »

Les étrangers eux-mêmes, devenus maréchaux au service de la France, que font-ils autre chose qu’une guerre civile ? Trivulce se bat contre Milan en haine de Ludovic le More, Strozzi contre Florence en haine de Cosme de Médicis, qui a fait étrangler son père dans le cachot du fort Saint-Jean-Baptiste, après le désastre de Montemurlo. C’est un fuoruscito. Une belle tête que ce Pierre Strozzi, à la ressemblance de son compatriote et contemporain Benvenuto Cellini. C’est le petit-fils de Filippo Strozzi, le bâtisseur du palais célèbre, dont nous avons l’admirable buste par Benedetto da Majano, dans la salle Michel-Ange, au Louvre. Ce nom de Strozzi qui évoque invinciblement l’image d’un cube géant de pierres ciselées comme des joyaux, merveilleux îlot d’ombres bleuâtres dans les matins lumineux de Florence, doit évoquer aussi pour nous de fiers soldats. Celui-ci, chef de Montluc en Toscane, se donna tout à la France, et son fils aussi devait combattre pour elle.

Cette confusion des rôles politiques et militaires se voit surtout chez un connétable, beaucoup plus homme d’Etat que de guerre : le connétable de Luynes, dont voici la fine tête émergeant d’une fraise blanche, d’un cordon bleu et d’une arlequinade de losanges zinzolins. Priuli envoyé de Venise, dînant à Fontainebleau, entre lui et le cardinal de Retz, nous le montre : « Pendant que je discourais avec M. le Cardinal, M. le Connétable avait derrière son siège une multitude de grands seigneurs et d’autres personnes auxquelles il prêtait l’oreille et, en mangeant, il expédiait toutes leurs requêtes et il faisait attention à ce qu’ils lui disaient tous avec tant d’application et une si