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voulu lui ouvrir ses portes, devait être exécuté, à huis clos, à la suite d’un arrêt de ce parlement. Rien de réservé, tout en dehors, en ronds de bras et d’écharpe, en préciosité jusqu’au bout des doigts et des orteils, qu’il pose à peine sur l’étrier ou le bâton, ce charmant Henri II de Montmorency que Porbus ou Stella, dit-on, nous montre léger, aérien et prêt à s’envoler comme un papillon qu’il est, posé sur un mastodonte équestre plein d’éparvins, qu’il couvre d’affiquets et d’ostentatoires fanfreluches. Il louche un peu, mais on n’en reçoit pas moins son regard avec sympathie. Le sévère et méfiant condottiere du XVIe siècle s’effile et se bistourne. La chevelure abondamment poussée, commence à s’épancher en perruque, sur la fraise qui mousse en plat à barbe, serrant le menton. Les écailles de la cuirasse commencent à tomber aux extrémités pour laisser voir qu’on les a fines et « le geste le plus agréable du monde. » Aussi, parlait-il plus des bras que de la langue, note Tallemant des Réaux. « On dit, à propos de cela, que M. de Montmorency étant entré dans une compagnie où était feu M. de Candale, tout le monde lui fit fête, quoiqu’il n’eût fait proprement que remuer les bras. » « Jésus, dit M. de Candale, que cet homme est heureux d’avoir des bras ! » Il ne l’était pas moins de ses jambes, dont il se servait si bien au bal, que Bassompierre, qui dansait fort mal, le lui avoue : « Vous avez plus d’esprit que moi aux pieds. » Et s’il ne danse pas, précisément, sur sa monture éléphantesque, on sent qu’il s’en faut de peu, et déjà son écharpe tournoie derrière lui en anse de panier, comme emportée par le mouvement giratoire d’une valse. La figure, longue et avenante, a quitté le masque de dureté des vieux âges, et l’on y reconnaît la justesse de ce propos de Tallemant des Réaux : « Quoiqu’il eût les yeux de travers, M. de Montmorency était pourtant de fort bonne mine. » Mais de cervelle, point. Le bâton qu’il croche à peine du bout du pouce et de l’index, comme s’il était de verre, n’est qu’un accessoire de cotillon, sa grande épée, « celle du grand âne, » ricanait Bassompierre, n’est qu’un outil de bataille, comme aux mains du plus simple Suisse, et son cheval, doté d’un œil humain par le peintre, a l’air plus pensif que lui. Mais les papillons n’ont pas besoin de cervelle pour charmer, et celui-ci fut le papillon par excellence. « Il avait une telle vogue, qu’il n’y avait pas une femme, de celles qui avaient un peu la galanterie en tête, qui ne voulût, à