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ascendants, il paraît petit. Il leur ressemblait bien, dit Brantôme, « en sa face et façons, sinon à la perfection, au moins à l’approche, » — mais pour la bravoure seulement. C’est le cerveau et la conscience qui ont fait de son père, Charles Ier de Cossé-Brissac, une des plus grandes figures du temps. Cette conscience est justement rappelée ici par une gravure fort médiocre et sans valeur documentaire, mais illustrant un trait véritable et qui frappa fort les contemporains : Le Maréchal distribue la dot de sa fille aux fournisseurs de l’Armée. Qu’est-ce à dire, et que voilà des mercantis insolents ! Ce n’était point des fournisseurs, mais des marchands auxquels le maréchal était aller demander de l’argent pour payer ses troupes et les empêcher de se débander, durant son gouvernement du Piémont. Ces ultramontains avaient eu confiance en la parole de la France et avaient prêté cent mille livres. Le jour du remboursement, ils ne virent rien venir, le Trésor étant vide et les besoins des expéditions lointaines toujours moins pressants que ceux des courtisans. Brissac, à bout d’objurgations et de ressources, prit un parti désespéré : il amena ses créanciers à la Cour, alors à Dampierre, afin de forcer le Roi dans ses derniers retranchements. Sa gloire acquise en Piémont le fit recevoir avec force honneurs, — mais d’argent, point. Tout ce qu’il put obtenir pour ses protégés, ce fut quelques espérances sur le produit de coupes de bois encore sur pied et verdoyant à l’horizon. C’est alors qu’il fit venir sa femme et ses deux filles avec les 20 000 écus qu’elle avait amassés pour la dot de l’aînée. Quand elle fut arrivée : « Madame, lui dit-il, la plus belle dot est un nom sans tache. » — On ne sait pas ce qu’en pensa le futur gendre. Mais les marchands furent ravis d’être remboursés sur l’heure, selon le « roole » qu’ils avaient apporté, la cour plongée dans le plus grand étonnement, les ministres et les hommes de guerre déplorant peut-être un si dangereux exemple, mais « cest acte pie et généreux tout ensemble, dit Boyvin du Villars, fut en bonne odeur devant Dieu, devant le Roy et devant toute la France. »

On regrette de ne voir pas ici son portrait attribué à Clouet, du Louvre. Mais on voit tout auprès celui de son frère, Artus de Cossé, seigneur de Gonnord, qui l’aidait fort, aux camps et à la Cour, et faisait la navette entre Turin et Paris, lorsqu’il s’agissait de faire entendre la vérité au Roi et à ses Conseils sur les