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même, les poches multiples de la vareuse ont remplacé les « plates » de fer, mais ni la canne, ni les poches ne sont devenues des signes honorifiques, ni ne le deviendront tant qu’on s’en servira, — non plus, d’ailleurs, que le stylographe, la jumelle ou le périscope. C’est donc une épée d’honneur qu’on offrira au vainqueur de la Marne, ou encore un casque, pourvu qu’il ne ressemble pas à celui qu’il emploie.

Mais, à côté des déchets de l’organisme, il y a des reviviscences inattendues. Ainsi le casquet du temps de Charles VII, forme bizarre ornée d’une plaque saillante sur le front, au-dessus des yeux, espèce de garde-vue que nous appelons maintenant « visière, » au contraire de la visière ou « vue » de l’armet, mot qui voulait dire la fente par où l’on voit. Ce casquet, avec son double abat-jour, pour protéger du soleil le front et la nuque, a ressuscité dans l’extraordinaire « casquette du Père Bugeaud. » Mais, quand un ancien engin délaissé revient ainsi, rappelé par des besoins inattendus, il revient, tout fruste, grossier, dépouillé des ornements dont on l’avait peu à peu enjolivé. Tel, le casque du poilu comparé à l’ancienne bourguignote, tel, aussi, le casque colonial du maréchal Franchet d’Esperey, en Orient. Il y a enfin des tentatives de réadaptation qui échouent : il ne faudrait pas prendre pour un organisme vivant ce casque et cette cuirasse de Berthier, tirés du reliquaire napoléonien de Gros-Bois. Le maréchal ne les a jamais portés qu’une fois pour les essayer, non plus que Napoléon qui s’en était commandé de tout pareils, car ils se trouvèrent si ridicules, dit l’histoire, que l’Empereur ne parla plus d’en doter ses généraux, comme il en avait eu le projet, pour les protéger. De même, le casque imaginé par Dunand, et offert par les Américains, pour honorer le maréchal Foch, et qui est d’un très beau travail, n’est plus le casque utile des poilus : avec sa tête de coq et son laurier, il reproduit l’idée des casques à chimères rampantes de la Renaissance. Il ne peut plus servir en campagne : il fait seulement honneur.

L’homme a si peu d’imagination qu’il n’a guère inventé de parures, ni de signes de suprématie ou de gloire qui n’aient été d’abord des objets usuels, souvent fort humbles, pour ne pas parler de l’instrument de torture, qui est devenu, chez tous les peuples occidentaux, le signe de l’honneur par excellence. L’honneur, comme la parure elle-même, commence donc où