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qui enveloppait et sur certains points moulait entièrement l’homme d’armes du XVIe siècle, nous la voyons perdre, successivement, ou laisser tomber d’abord son faucre et ses passe-gardes, puis ses jambières remplacées par des bottes, puis ses épaulières et sa braconnière, jusqu’à ne plus offrir, chez les simples combattants, que la « demi-armure » ou le corselet, qui se rétrécit encore et devient le gorgerin, lequel se réduit peu à peu et s’amenuise jusqu’aux dimensions du croissant de cuivre : le hausse-col des officiers de 1830, signe de commandement, qui n’a entièrement disparu que vers 1880. Seul, le centre de l’armure, l’ancien bréchet, en cosse de pois, a résisté, — réduit au « gilet de fer » chez nos cuirassiers, — jusqu’à la dernière guerre. Ainsi, de tout le reste. Le cimier, l’immense plumait d’un mètre de haut qui épouvantait et guidait, s’est abaissé peu à peu, et après avoir tournoyé autour des feutres de Louis XIV, et enfin ourlé, d’une écume frisante, le bord des grands chapeaux noirs de l’Empire,


A laissé sa dernière plume
Au casoar des Saint-Cyriens...


Dans les plus infimes détails de la tenue, on retrouve ainsi des traces de quelques vieilles nécessités oubliées. Le renflement qui s’ajuste sur le casque du poilu ou celui du maréchal Fayolle, n’est autre chose que la crête qui s’arrondit sur la bourguignote du connétable de Montmorency, très réduite et diminuée. Les boutons inutiles, répandus çà et là sur les uniformes du XIXe siècle, sont la graine des anciens boulons de fer qui retenaient les pièces assemblées et où se bouclaient les pattes de cuir rouge, ou garnis de toile rouge, que nous voyons encore aux armures retenant la braconnière ou les brassards. Une doublure, qui n’était primitivement qu’un rapetassage économique pour dissimuler l’usure des manches là où elles sont le plus effilochées par le frottement, est devenue un ornement et même un insigne, sous le nom de « passe-poil. » Ainsi, les marques du commandement sont presque toujours d’anciens engins dont on a perdu l’usage et la nécessité. Si l’épée a tant de prestige et désigne assez bien le grand chef, c’est que, depuis des siècles, elle ne lui sert guère plus qu’à un académicien. M. Dagnan montre le maréchal Foch appuyé sur sa canne. La canne a donc remplacé l’épée, dans l’usage, au cours d’une campagne. De