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Regardez-les : tout y est utile. Sauf les gravures des plates plus ornées, plus luxueuses, tout est semblable à l’armure d’un simple homme d’armes bien équipé. Le faucre projeté sur le sein droit sert à appuyer la lance ; sauf dans l’armure du connétable Anne de Montmorency, l’épaulière gauche tombe toujours plus bas que celle de droite, parce qu’en chargeant, c’est elle qui a le plus à protéger, l’épaule droite étant ramenée très en arrière par le maniement de la lance arc-boutée, les carapaces qui enveloppent les bras : les canons, et les jambes : les cuissards, sont articulés à éclisses pour leur permettre de plier à leur aise, et aussi le jupon qui protège les hanches : braconnière et flancards. Au-dessus des épaules se dressent des remparts de fer, les passe-garde, pour faire dévier les coups qui viseraient le cou et au-dessus de l’armet, une haute crête s’arrondit pour amortir ceux qui pleuvraient sur le chef. Les armures du connétable Anne et du maréchal François de Montmorency, exposés dans des vitrines, celles des deux maréchaux de Biron et du seigneur de Damville, c’est-à-dire du connétable Henri de Montmorency, figurées dans de grands portraits en pied, tout autour, nous offrent les mêmes caractères.

Regardez, après cela, dans la Rotonde, l’armure de cérémonie de Turenne, exposée avec la dossière qu’il portait réellement en bataille, et le boulet qui le tua. Un siècle a passé : l’armure n’est plus active, mais seulement passive. Elle ne sert plus qu’à protéger ; encore protège-t-elle mal, comme on voit. Le faucre, qui était un organe actif, a disparu. Partout ailleurs l’organe a survécu, mais il s’est atrophié, faute de servir. Les articulations des cuissards, en queue d’écrevisses, qui étaient réelles chez les Biron et les Montmorency, ne sont plus que figurées sur la braconnière de Turenne, par une gravure, au même titre ornemental que les figures allégoriques de la Renommée ou de la Force dessinées sur le plastron pour l’enjoliver. Les deux épaulières sont devenues symétriques : il n’y a plus aucune raison pour donner une ampleur particulière à celle de gauche, l’abordage à la lance ayant disparu depuis longtemps. Le casque ou armet n’est plus cet appareil compliqué d’une ventaille et d’un mézail, avec une fente pour la vue ou une visière mobile, une rosace à la joue droite pour donner de l’air et un porte-plumail pour le panache immense qui l’ombrageait. C’est le cabasset, simple bonnet ovoïde de métal, avec des jugulaires,