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doctrine accordé à la notion de force et au concept de l’État. Dociles aux doctrines de Fichte et de Hegel, les Allemands, — les catholiques, comme les autres, — en sont venus à croire que le germanisme est le droit du monde nouveau. Lorsque Guillaume parlait de son vieux Dieu, les catholiques n’ont, élevé aucune protestation. Et depuis cette époque ils n’ont guère changé. J’ai demandé à plusieurs d’entre eux comment ils avaient interprété la pensée de l’Empereur. La question est demeurée sans réponse.

Je n’ose encore espérer que les catholiques allemands pourront déterminer un recul de cet esprit prussien qui a empoisonné l’Allemagne. Seront-ils capables d’aider les populations germaniques, dont l’intellectualité était autrefois très différente de ce qu’elle est maintenant, à s’orienter vers des conceptions religieuses et morales qui nous offriraient des garanties pour l’avenir ? L’un de ceux auxquels je laissais entendre que les catholiques me paraissaient complètement dominés par ceux qui continuent à jouer le rôle de chefs d’orchestre dans le concert des peuples germaniques, m’a fait cet aveu significatif : « Pour réagir, nous n’avons plus assez de caractère. »


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Un voyage en Allemagne provoque d’autres remarques. Dans tous les milieux, qu’il s’agisse de catholiques ou de protestants, qu’on interroge des ouvriers ou des bourgeois, des professeurs ou des étudiants, on est frappé de voir à quel point les préoccupations d’ordre matériel ont envahi les esprits.

La transformation économique de la fin du XIXe siècle et du commencement du XXe avait déjà modifié la mentalité du peuple allemand. On était très préoccupé, dans toutes les classes de la société, de vie agréable, de confort, et de bien-être. La « matérialisation » croissante de la société était un fait indéniable. Il a fallu pendant la guerre se soumettre à bien des privations : on voudrait pouvoir se dédommager maintenant. « La production allemande, faisais-je observer au docteur Havenstein, directeur de la Reichsbank, qui connaît très bien la situation économique et financière, a plus que triplé de 1875 à 1913 ; la consommation pendant cette période a doublé. Si les Allemands qui se plaignent de ne produire aujourd’hui que la moitié de