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Mais nous venons de voir que la vitesse augmente moins pendant la deuxième seconde que pendant la première et ainsi de suite, toujours de moins en moins jusqu’à ce que, la vitesse de la lumière étant atteinte, celle du mobile ne puisse plus augmenter, quelle que soit la force agissante.

Qu’est-ce à dire ? Si la vitesse du corps s’accroît moins pendant la deuxième seconde, c’est qu’il oppose à la force accélératrice une résistance plus grande. Tout se passe comme si son inertie, comme si sa masse avait changé ! Cela revient à dire que la masse des corps n’est pas constante, qu’elle dépend de leur vitesse, qu’elle croit quand cette vitesse croit. Aux petites vitesses cette influence est insensible et, parce qu’ils n’avaient pu observer que des petites vitesses, les fondateurs de la mécanique classique, — science expérimentale, — ont observé que les masses étaient sensiblement constantes, et en ont cru pouvoir conclure qu’elles l’étaient absolument. Aux grandes vitesses cela n’est plus vrai. Pareillement, aux petites vitesses, dans la mécanique nouvelle comme dans l’ancienne, les corps opposent sensiblement la même résistance d’inertie aux forces qui tendent à accélérer leur mouvement et à celles qui tendent à le dévier, à courber leur trajectoire. Aux grandes vitesses cela n’est plus vrai.

La masse croit donc rapidement avec la vitesse jusqu’à devenir infinie, quand cette vitesse égale celle de la lumière. Un corps quelconque ne pourra jamais atteindre ni dépasser la vitesse de la lumière, puisque, pour dépasser cette limite, il faudrait surmonter une résistance infinie.

Voici, pour fixer les idées, quelques chiffres qui permettent de voir dans quelles proportions les masses varient avec la vitesse. Le calcul est facile, grâce à la formule, — que nous avons indiquée, — et qui donne les valeurs de la contraction de Fitzgerald-Lorentz. Une masse de 1 000 grammes pèsera deux centigrammes de plus à la vitesse de 1 000 kilomètres par seconde ; elle pèsera 1 000 grammes à la vitesse de 100 000 kilomètres par seconde ; 1 341 grammes à la vitesse de 200 000 kilomètres par seconde ; 2 000 grammes (elle aura doublé) à la vitesse de 259 806 kilomètres par seconde ; 3 905 grammes à la vitesse de 290 000 kilomètres par seconde.

Voilà ce qu’indique la théorie. Comment la vérifier ? Cela eût été impossible il y a encore cinquante ans, alors qu’on ne connaissait que nos pauvres petites vitesses de véhicules et de