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mauvaise administration de Montevideo qui était en effet terrorisé par un lieutenant d’Artigas, et envahirent le pays en août 1816, avec 12 000 soldats aguerris. Artigas ne pouvait leur opposer que 6 000 gauchos. Il fut battu. Les Argentins acceptaient bien de les secourir, mais à la condition que l’Uruguay redeviendrait une simple province argentine. Artigas répondit qu’il ne vendrait pas le riche patrimoine des Orientaux au vil prix de la nécessité et continua la lutte. Mais les forces étaient trop inégales. Les Portugais entrèrent à Montevideo le 20 janvier 1817. Artigas continua deux ans la guerre de partisans. Enfin, après une dernière défaite, il se retira en 1820 au Paraguay. D’abord enfermé dans un couvent, il fut relégué dans un village lointain. Pendant trente ans, il cultiva la terre et soigna un peu de bétail qu’il avait réuni ; le dictateur du Paraguay lui faisait une pension de 32 piastres par mois. Il abandonnait aux pauvres presque tout son médiocre revenu. Un naturaliste français, Bonpland, vint le voir dans ses vieux jours et lui porta un exemplaire de la Constitution uruguayenne. Artigas baisa le livre et remercia Dieu, les larmes aux yeux, d’avoir délivré sa patrie. Il mourut en 1850.

Sur ces entrefaites, en effet, l’Uruguay avait recouvré sa liberté. En 1822, le Brésil s’était détaché du Portugal, et les Orientaux avaient tenté de profiter une première fois de cette division pour s’affranchir. Ils n’y réussirent pas, et le seul changement fut qu’ils passèrent de la domination portugaise à la domination brésilienne. En 1825, une nouvelle tentative fut faite par 33 conjurés qui, débarqués d’Argentine, soulevèrent le pays, et, avec 600 gauchos, vinrent mettre le siège devant Montevideo. Le 25 août, une assemblée de représentants, réunis à la Florida, déclare l’Uruguay libre et indépendant. Cette fois l’Argentine se rangea aux côtés de l’Uruguay. Les Brésiliens vaincus firent la paix, le 27 août 1828. Cette paix reconnaissait l’indépendance de l’Uruguay. Le nouveau pays nomma une assemblée constituante, et la constitution fut jurée le 18 juillet 1830. Ainsi fut fondée la République orientale de l’Uruguay. Elle comptait alors 70 000 habitants.

Mais le jeune État portait les germes de querelles civiles. Non seulement il y avait parmi les Orientaux un parti conservateur ou blanc, et un parti avancé, ou rouge, division qui est commune à tous les États libres ; mais il y avait un parti citadin, formé par l’élément intellectuel et bourgeois de la capitale,