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donnerai plus dans un jour qu’un autre dans de longues années… » On retrouve ce « motif » dans la confession : « Souviens-toi seulement des accents passionnés que je te lis entendre, et quand tu aimeras un jour un beau jeune homme, demande-toi s’il te parle comme je te parlais, et si sa puissance d’aimer approcha jamais de la mienne. » Et l’on peut se demander, avec plus de vraisemblance que pour Mme de Vichet, et avec autant de vraisemblance que pour Mme de C… si la bonne Hortense ne serait pas l’inspiratrice, ou l’une au moins des inspiratrices de la célèbre confession..

A défaut d’une réponse précise à cette question, l’auteur des Enchantements nous fournit du moins une indication dont Maurice Masson le premier a vu toute l’importance :


Souvent, — nous dit-elle, — en me parlant de mes jeunes ans et de son imprudence, de son inquiétude, du charme qu’il trouvait en moi, et de l’entraînement qu’il subissait sans s’aveugler, disait-il, sur lui-même et sur l’avenir, il me parlait d’un roman qu’il projetait, où il voulait peindre cet amour, et le caractère que lui prêtait son âge. Il y mettrait la passion, la vérité ; souvent je le vis plein de son sujet et de son talent


Rapprochons ces lignes curieuses des deux lettres de 1834 à Mme Récamier que nous avons citées plus haut, et qui semblent avoir échappé à Maurice Masson, mais qui renforcent sa thèse. « Les fragments de la Bibliothèque nationale, écrivait-il, ne seraient-ils pas les ébauches, rédigées en des années différentes, de ce roman d’amour inquiet et imprudent ? Et, ce qui achèverait de me confirmer dans cette dernière hypothèse, c’est que ces fragments semblent par endroits déjà tout prêts pour l’impression : « Quand… de la natte de ma couche je promène mes regards sur les arbres de la forêt à travers ma fenêtre rustique… Non ! je ne souffrirai jamais que tu entres dans ma chaumière… » On n’écrit pas ainsi dans une confession qu’on veut garder pour soi ou dans un chapitre de Mémoires. Ce sont des formules littéraires, qui trahissent déjà la transposition romanesque. Nous aurions donc là les morceaux épars d’un second René inachevé, où il aurait mis toute sa vieillesse ardente et triste, comme le premier René nous avait livré à demi-mot le secret de ses jeunes amours ennuyées. »

L’hypothèse n’est pas seulement fort ingénieuse et