Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 65.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
IMPRESSIONS DE BERLIN

Qui voudrait soutenir aujourd’hui que la paix, à laquelle nous sommes parvenus au prix de si grands sacrifices, est vraiment adéquate à la guerre ? Qui oserait nier que nous sommes inquiets pour l’avenir, et qu’il ne nous est pas facile, malgré notre victoire, d’avoir des « âmes de vainqueurs ? » Les difficultés grandissent. Nous ne saurions nous donner trop de peine pour comprendre les périls auxquels nous pouvons être exposés demain.

Ayant longuement étudié, avant la guerre, les transformations économiques et sociales de nos redoutables voisins, j’ai cherché, à plusieurs reprises, depuis la fin des hostilités, à me rendre compte des changements qui se sont produits en Allemagne ; j’ai cherché surtout à entrevoir ce que nous pouvons pressentir pour un jour prochain. Je voudrais communiquer aux lecteurs de la Revue quelques-unes de mes impressions et leur dire quelles sont mes craintes.


Les premiers voyages que j’avais entrepris après l’armistice m’avaient fait croire que les idées particularistes (et le particularisme a été longtemps pour l’Allemagne une tradition) allaient reprendre quelque force. N’était-ce pas une nouvelle Allemagne politique qui paraissait vouloir s’édifier sur les ruines de l’Empire ? Ce n’était qu’une illusion : l’idée d’unité s’est au contraire affirmée de nouveau. Le nombre est minime de ceux qui paraissent aujourd’hui sympathiques aux idées séparatistes, ou qui du moins osent le dire. Le nombre est minime également de ceux qui, en faisant quelques réserves sur la Prusse, ont le courage de dire que c’est elle qui a entraîné l’Allemagne dans une voie fausse, que c’est elle qui est la véritable cause de sa