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Thierry l’a démontré le premier, l’origine des progrès de la bourgeoisie.

Une grande joie est advenue au travailleur solitaire de l’Arsenal. Son frère Amédée, auquel ne cessera jamais de l’attacher la plus confiante affection, s’installe auprès de lui. Le jeune homme vient à Paris commencer ses études de Droit, tenter, comme on dit alors, les « hasards de la capitale. » Tous deux louent de compagnie un modeste logement, 6, rue des Marais, proche l’église Saint-Germain des Prés. Durant que l’aîné va courir les bibliothèques ou donner quelque leçon procurée par Villemain, le cadet se rend au cours de M. Cotelle ou de M. Bavoux, pioche en conscience les Institutes et ses Codes. Ils se retrouvaient aux heures de repas devant l’argenteuil et la « portion » de Flicoteau, plus souvent que chez Véfour ou qu’au café de Foy. Arnold Scheffer les rejoignait volontiers avec son frère Henry, à ses débuts dans l’atelier Guérin. Tous deux amenaient de temps à autre un carabin de leurs amis, bien accueilli pour sa faconde et son entrain, qui devait acquérir bientôt sinistre renommée et qui s’appelait Edme-Samuel Castaing.

Pendant qu’Amédée approfondit Gaïus et Papinien, Augustin s’est attelé à une épineuse besogne.

L’esprit de Saint-Simon traverse une évolution nouvelle. Il rêve toujours de donner à la France et à l’Europe une organisation définitive, mais cette fois, c’est dans l’industrie qu’il croit en avoir trouvé l’instrument.

Le sujet est à l’ordre du jour ; la France se trouve alors en pleine bataille économique. Benjamin Constant vient d’annoncer « l’époque du commerce qui doit nécessairement remplacer celle de la guerre. » Comte et Dunoyer le répètent sans relâche, au nom des libéraux, dans le Censeur Européen. En dépit de tenaces résistances, le gouvernement des Bourbons tâche d’encourager et d’organiser l’industrie renaissante. Bientôt seront créés le Conseil général du Commerce et celui des Manufactures ; l’usage des Expositions universelles va être rétabli en 1819. Pourtant, si l’on est à peu près d’accord sur l’effort à réaliser, les contradictions commencent avec les moyens à employer.

Donc, en ce printemps de 1817, Augustin Thierry se rencontre en conférences quotidiennes avec son « père spirituel » et pâlit congrument sur les textes : Fodéré, Ricardo, Ferrier, Ecrément, Aubert de Vilry. Saint-Simon l’a chargé de rédiger,