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César, etc… Et les morceaux pris au hasard furent récités sans hésiter, ce qui prit plus de vingt minutes. Véritablement émerveillé : — Petit diable, lui dis-je, en lui prenant amicalement l’oreille, tu iras un jour à l’Institut ! Alors, levant la tête et portant sur moi ses grands yeux avec un sourire sur les lèvres : — Qu’est-ce donc que l’Institut, monsieur ? — Prends patience, va, tu l’apprendras un jour et tu le sauras mieux que moi.


Plusieurs documents, conservés dans les archives départementales, viennent appuyer et compléter ce témoignage de l’excellent M. Gaudeau.

Un hasard propice avait facilité à l’adolescent le progrès de ses études latines. Dans le courant de l’année 1808, un homme vraiment érudit venait d’être appelé, au collège de Blois, aux modestes fonctions de répétiteur de physique. C’était un Suisse, nommé Mieg, qui devait terminer sa carrière agitée comme bibliothécaire à la cour d’Espagne. La démonstration des lois de Mariotte ou du principe d’Archimède n’absorbait pas toute son attention. Il se montrait également féru de prosodie et de métrique anciennes. Bientôt, grâce à ses efforts, hexamètres et pentamètres, dactyles, anapestes et trochées ne connurent plus de secrets pour le disciple qu’il affectionnait. Nul n’égalait l’enfant dans l’art de composer un discours latin, ou des centons virgiliens. On le vit bien le jour de cette distribution des prix de l’an 1809, où, parmi les murmures approbateurs, « M. Thierry l’aîné » vint lire « le désespoir d’un ange réprouvé, traduction en vers latins de Klopstock. »

Là, cependant, ne s’arrêta pas la bienfaisante influence de M. Mieg sur le développement intellectuel du futur historien. Avec les éléments des sciences physiques, il lui enseigna encore ceux de la langue et de la critique allemandes, lui révéla Wieland, Lessing et Schlegel. Augustin Thierry lui dut certainement beaucoup et fut mis, peut-être par lui, sur la voie de la comparaison des langues, dont il tira plus tard un si heureux parti pour l’histoire.

Un autre de ses professeurs, M. Mérault, parait avoir également exercé sur l’enfant un ascendant tout particulier. Il lui conservera toujours une reconnaissance attendrie et, vingt-cinq ans plus tard, le membre de l’Institut arrivé à la gloire, interviendra chaleureusement pour la veuve de son ancien maître, « l’un de ceux qui ont le plus contribué à former mon esprit et