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comme il est redevable à ses ancêtres en ligne paternelle, bourgeois et marchands, de son goût pour la minutie des détails, la claire précision des idées, l’amour de la vérité et l’indépendance volontiers frondeuse de la pensée.


I. — LE COLLÈGE DE BLOIS

Cependant, la nécessité s’imposait pour l’écolier si magnifiquement doué d’un enseignement plus complet et plus régulier que celui qu’il pouvait recevoir dans la maison de ses parents. Bien grand dut être alors l’embarras rue des Violettes. Le vieux collège de Blois n’était plus. Après avoir végété quelque temps, il avait dû fermer ses portes en 1793. Seules avaient subsisté quelques écoles primaires trop insuffisantes. Aussi les Blaisois accueillirent-ils joyeusement la nouvelle qu’une « Ecole secondaire communale » allait être établie dans leur ville. On était en 1805, et sous la forte impulsion du gouvernement impérial, tout semblait renaître en France : administration, cultes, finances, instruction publique. Quelques lycées s’organisaient à Paris, et, dans les cours publics, les Lalande, les Biot, les Cuvier, les Pastoret, les Silvestre de Sacy, les d’Ansse de Villoison faisaient entendre leurs doctes leçons. Mais, en province, tout restait encore à faire et le délabrement intellectuel était au-dessous de toute expression.

Le collège de Blois, dont Augustin Thierry, bientôt rejoint par son frère Amédée, dut être un des premiers élèves, offrait alors un curieux spécimen des établissements d’instruction, pour lesquels le zèle des administrateurs allait partout quêter des maîtres, dans le séminaire comme dans la boutique, sous le froc et sous le tablier. Un vaste couvent, devenu bien national, avait été transformé en école, et, sur les dalles humides d’un réfectoire, s’étaient installées études et classes. Le corps enseignant était plus bizarre encore que la demeure. Le professeur de cinquième avait été gendarme et ne donnait jamais sa leçon qu’éperons aux bottes et cravache a la main. Le maître de dessin, un des beaux les plus goûtés de la ville, cumulait les fonctions de professeur de grec. Enfin, le professeur de rhétorique tenait un magasin d’épicerie dans le haut d’un faubourg. Étrange collège, professeurs plus étranges encore et dont le souvenir, longtemps après, faisait toujours sourire leurs élèves !