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Cet heureux dénouement fut obtenu, grâce aux succès de nos opérations de terre et de mer et, surtout, grâce à un allié jusque-là discrètement dissimulé, mais en réalité très puissant, sir Robert Hart, l’éminent directeur-général des douanes impériales ; celui-ci, partisan résolu de la paix, conforme aux conditions précisément du traité de Tien-Tsin, jouissait au Tsong-Li-Yamen, comme à la cour de Pékin, d’une influence justifiée par son caractère, son loyalisme et l’importance exceptionnelle de son rôle dans l’administration chinoise.

Il jugea ne pouvoir différer davantage une manifestation décisive de son intervention personnelle, quand il vit que le blocus maritime de représailles, notre arme la plus efficace à cette époque, menaçait d’épuiser, à bref délai, toutes les ressources du Trésor impérial. Le blocus avait pour effet de supprimer les revenus habituels du grand service national dont il avait charge et, d’affamer, du même coup, toutes les provinces du Nord et la capitale de l’Empire, en les privant de leur ravitaillement indispensable en riz. Nous savions que le transport du riz était devenu impraticable par les canaux intérieurs du pays, à cause de leur insuffisance et de leur mauvais entretien, que j’avais signalés depuis longtemps dans nos rapports.

Malheureusement, ce succès complet de la politique de Jules Ferry dans l’Indo-Chine ne fut obtenu qu’au prix des lourds sacrifices que nous coûtèrent les deux affaires de Bac-Lé et de Lang-Son. Ces sacrifices auraient été épargnés si le commandement en chef n’avait pas été enlevé à l’amiral Courbet, alors qu’il venait de remporter des succès éclatants. Agissant avec le coup d’œil et la résolution d’un grand capitaine, l’amiral Courbet visait sans cesse à l’effet offensif maximum. La préparation et la direction de ses opérations militaires, sur terre comme sur mer, étaient impeccables et il savait forcer la victoire.

Conçu au milieu d’un étrange concours de circonstances pressantes, dont il fallait tirer immédiatement parti, sous peine de laisser passer l’occasion favorable, le traité de Tien-Tsin eut la bonne fortune de survivre aux épreuves de onze mois de conflits militaires et diplomatiques, des plus graves, et d’en sortir cependant intact.