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Dès le lendemain de ces adieux officiels, je descendais le Peï-ho pour gagner la mer et ramener le Lynx à Cherbourg, où je l’avais pris deux années plus tôt. Mais j’emportais de cette troisième campagne dans les mers de Chine une ample moisson d’observations intéressantes et d’enseignements sur les hommes et les choses du Céleste-Empire, plus précieux, à mes yeux, que les cadeaux de Li-Hong-Tchang, car j’entrevoyais déjà la possibilité de les utiliser plus tard, pour le bien du pays : par exemple, dans un conflit entre la France et la Chine.


II. — SITUATION DE LA FRANCE DANS L’ANNAM ET AU TONKIN EN DÉCEMBRE 1882

En décembre 1882, j’étais capitaine de frégate, attaché comme officier d’ordonnance au vice-amiral Jauréguiberry, ministre de la marine dans le cabinet de M. Duclerc, président du Conseil.

L’amiral paraissait très préoccupé de la tournure de plus en plus inquiétante des événements dans l’Annam et le Tonkin.

Le Gouvernement annamite n’y remplissait plus aucune des obligations essentielles qu’il avait assumées en acceptant, le 16 avril 1874, le protectorat de la France ; ses procédés vexatoires, restés depuis trop longtemps sans répression, rendaient intolérable la position de notre chargé d’affaires à Hué.

Au Tonkin, notre situation était pire encore. Une insurrection y ayant éclaté, les troupes chinoises y avaient pénétré à la demande de notre protégé, pour y rétablir l’ordre ; de façon que nos consuls et leurs petites escortes s’y trouvaient sans cesse en butte, à la fois, aux menaces de ces troupes, à celles des rebelles et à l’hostilité des mandarins.

Pour remédier à cet état de choses, aussi compromettant pour les intérêts de nos nationaux que pour le prestige de la France en Extrême-Orient, le gouverneur général de l’Indo-Chine avait été autorisé, provisoirement, à envoyer, sur les côtes et dans les rivières du Tonkin, les navires dont il pouvait disposer et à renforcer, autant que possible, nos garnisons d’Haïphong et d’Hanoï. C’est ainsi que le commandant Rivière, commandant de notre station navale de Saigon, ayant reçu