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danger. Elle ne tarderait pas à devenir fatale. Si, en ces derniers temps, l’idée d’une Présidence du Conseil sans portefeuille a fait tant de progrès, en dépit des sérieuses difficultés de réalisation qu’elle présente, c’est que précisément tout le monde a senti de plus en plus qu’un chef de Gouvernement ne devait pas être seulement l’orateur du Cabinet, mais le guide et le conseiller permanent de ses collaborateurs. Cette institution de la Présidence du Conseil n’était pas expressément prévue dans les lois organiques de 1875. A lire le texte même de la Constitution, on pourrait croire que les ministres délibèrent sous la seule présidence du Président de la République. Il en était ainsi quand M. Thiers cumulait les deux Présidences. Mais, du jour où a été admise l’irresponsabilité du Président de la République, la Présidence du Conseil, distincte et responsable, s’imposait comme dans tous les pays de régime parlementaire. La Constitution veut que tous les ministres soient responsables personnellement de leurs actes individuels et solidairement des actes intéressant la politique générale. Il faut bien qu’il y ait un chef qui parle au nom du Cabinet, dès qu’est engagée cette responsabilité collective et solidaire ; et il faut aussi, par conséquent, que ce chef soit présent, et prêt à combattre, dans tous les débats où elle peut être impliquée.

Il en est exactement dans les monarchies constitutionnelles comme dans les Républiques parlementaires. Le chef de l’État conseille, surveille, contrôle, mais ne gouverne pas. Si les Cabinets prennent des décisions qu’il désapprouve et qu’il a vainement essayé d’empêcher, les circonstances peuvent lui imposer le dur devoir de les subir. Le véritable chef du pouvoir exécutif, c’est celui que les Chambres sont maîtresses d’interpeller et de renverser, c’est le Président du Conseil. Quand M. Lloyd George a manifesté, comme M. Briand, le désir d’aller en Amérique, le Times lui a rappelé que sa place était à Londres, où personne n’avait qualité pour le remplacer. Le conseil était sage. On annonce que M. Lloyd George le suivra. Il n’aura pas à s’en repentir. Lorsque M. Wilson est venu en Europe, pour assister à la Conférence de la paix, il y a apporté avec lui sa double qualité de Président de la République et de chef de Gouvernement, et bien que l’Amérique ne fût pas alors aux prises avec tous les embarras qui assaillent aujourd’hui la France, le long séjour de M. Wilson à Paris a paralysé l’administration de son pays. J’indiquais, dans une récente chronique, les protestations qu’a également soulevées, dans les Dominions britanniques, la présence prolongée des premiers ministres à la Conférence impériale de Londres. Quand le mécanicien quitte le volant, la