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depuis lors… « tout homme studieux et réfléchi devra nécessairement reconnaître que la Révolution n’a pas désarmé et qu’en conséquence la période des temps révolutionnaires n’est pas close. » Ernest Daudet la continue au-delà du terme qu’ont fixé d’autres historiens. Il aurait pu la continuer en deçà du 14 juillet 1789. Elle emplit tous les siècles de l’histoire. Il y a, dans l’histoire, des années plus calmes, des apnées plus atroces. Mais l’histoire est, tout le temps, un terrible spectacle et est, tout le temps, un immense désordre : l’artifice, auquel on a recours, de la ranger, en quelque sorte, n’est que pour la commodité de l’enseignement et aussi pour l’illusion de voir clair dans les ténèbres où pâtit l’humanité.

Après avoir épilogue sur la durée de la période révolutionnaire, Daudet confesse que tout cela n’est que pour l’excuser d’avoir classé sous l’étiquette des Temps révolutionnaires plusieurs récits relatifs à une époque plus récente. Il se moque !… Et je l’approuve. Ses récits toute philosophie de l’histoire très heureusement écartée, sont excellents et ont d’abord le mérite de la nouveauté. Il n’est point de sujet qu’il traite et auquel il n’apporte sa contribution de quelque détail au moins ; et il est maints sujets qui sont de lui entièrement. Il a corrigé une profusion d’erreurs. Il avait de la méfiance et ne suivait pas l’imprimé sans contrôle. Il avait de la critique et, la plupart du temps, savait que les « sources » ne sont guère moins trompeuses que les travaux dits de seconde main. Il travaillait bien.

Son œuvre historique est toute pleine d’anecdotes. Voilà ce que lui reprochent les philosophes de l’histoire, si entichés de ce qu’ils nomment les idées. Seulement, les idées, si j’ose dire, on en revient. La complaisance des idées, puis leur éloquence, et enfin le peu de ressemblance qu’elles ont avec la réalité vous les rendent fastidieuses. Les petits faits, ou anecdotes, sont de la vérité, sont les fragments de la vérité. C’est déjà très joli. L’on peut se figurer qu’après avoir attrapé tous les fragments de la vérité, en les réunissant avec habileté, l’on reconstituerait la vérité tout entière. Et l’histoire serait une « patience » ou un « puzzle » de dimensions gigantesques. Mais il y a des pièces perdues ; et les autres, cassées, ou usées, ou qui n’ont plus leurs voisines, ne se raccordent pas facilement. Contentez-vous de regarder quelques fragments de vérité. Regardez-les avec soin : vous leur trouverez plus de signification qu’à tant de vagues et vastes idées où triomphent de grands bavards.

Sous ce titre, Un drame d’amour à la cour de Suède, Ernest Daudet raconte l’aventure très émouvante du baron Armfelt, favori du roi de