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jour et se tiennent un peu à l’écart ou au-dessus de leur siècle, car ils doivent représenter ce qui ne passe pas.

Quelles que fussent leurs erreurs, ils n’en ont pas moins droit à notre reconnaissance. Alors que l’érudition allemande, selon le mot de M. Dupont-Ferrier, « avait tant de raisons de n’être pas envahissante, » plus d’un des admirables travaux de l’érudition française vit le jour « dans les chambrettes aux murs salpêtres et noirâtres » du Collège de Clermont. Ses maîtres ne l’ont pas seulement honoré : ils ont honoré notre pays. Grâce à eux, notre Enseignement occupa dans l’opinion « une place plus grande que la Sorbonne dont le nom avait rempli le monde au Moyen âge[1]. » Quand l’Université victorieuse hérita de ceux qu’elle avait tués et transporta au collège Louis-le-Grand le collège de Lisieux et les boursiers de tous ses petits collèges en décadence, l’expérience pédagogique dont les murs étaient imprégnés sembla passer en elle, lui commander la prudence dans les réformes nécessaires et la régénérer. Ses élèves, qui ne faisaient plus rien, se réconcilièrent avec la discipline et le travail. Pas pour longtemps, d’ailleurs, car la Révolution survint. Mais si le Collège tint le coup, c’est que deux cents ans de succès en avaient fait une institution plus forte que la mort. On peut dire que notre Université moderne, tout en refondant l’œuvre des Jésuites et en la rendant plus nationale, est issue d’eux. Le lycée Louis-le-Grand leur doit d’avoir été le premier modèle des lycées d’aujourd’hui, et nous en trouvons le témoignage dans le beau livre impartial de son savant historien.

André Bellessort.

  1. A. Sicard, les Études classiques avant la Révolution (Perrin).