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Mais ils ont fait mieux : ils ont, sinon inauguré, du moins perfectionné l’explication des textes, ce qu’ils nommaient la prælectio. Le professeur prenait un texte, le lisait, en dégageait l’idée générale, en analysait la composition, en examinait les intentions et le rattachait à l’ensemble. Cette méthode, dont le Père Pétau et le Père Porée et tant d’autres Pères ont donné des modèles, est restée celle de l’Université. Mais la critique du XIXe siècle s’est élargie, et nous y ajoutons le commentaire historique qui replace l’homme dans l’atmosphère où il a vécu, et qui nous aide à juger son œuvre relativement à son époque. Chose curieuse : les Jésuites, qui avaient introduit dans la morale un sens si humain et si moderne du relatif et qui connaissaient mieux que personne la diversité du visage de la terre, demeuraient en littérature immuablement fidèles à un certain goût limité et absolu. Là-dessus, et sur d’autres points, on l’a dit et répété, Voltaire s’est toujours ressenti de leur influence ; mais elle ne mordit point sur Diderot, qui pourtant avait suivi l’enseignement du Père Porée et qui en avait gardé un souvenir enthousiaste. Mon Dieu ! qu’il est difficile de savoir ce que nous devons à notre tempérament et ce que nous devons à nos maîtres ! Le plus sage est de leur rendre hommage de nos qualités et de ne nous en prendre qu’à nous-mêmes de nos défauts.

Tout ce travail était coupé d’intermèdes plus stimulants encore : joutes oratoires, plaidoyers publics, représentations théâtrales. Les Pères possédaient trois théâtres : autant que de chapelles. On y jouait des tragédies et des comédies dont les auteurs étaient de la Compagnie ; on y dansait même des ballets. Le théâtre peut être pour la jeunesse un excellent divertissement et pour les maîtres un moyen d’éducation mondaine où ils enseignent l’art de discipliner sa voix, ses gestes, son maintien. Mais le faste que les Jésuites y déployaient, surtout au XVIIIe siècle, la magnificence des décors, ce parterre de rois, de princes, de cardinaux, d’archevêques, de maréchaux, d’ambassadeurs et de femmes de la Cour, devant lequel les jeunes pensionnaires déclamaient ou dansaient, tout cela, il faut bien le dire, sentait trop la réclame et, plus encore, le désir de flatter les goûts du monde. On reproche souvent à notre Enseignement secondaire de n’être pas assez de son temps. Eux, ils étaient trop du leur. Il est bon que les éducateurs soient en retard sur les modes du