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avait toute l’unité qui manquait à ses bâtiments. En un temps où toutes les disciplines s’étaient relâchées, où les guerres civiles avaient démoralisé la nation, où le fédéralisme triomphait à l’Université, le Collège de Clermont donna l’exemple de la plus ferme armature. « Si cette hiérarchie fortement unitaire, dit M. Dupont-Ferrier, nous semble aujourd’hui banale, c’est que, depuis le XVIe siècle, elle a fait ses preuves. Sans toujours le proclamer, c’est aux Jésuites que nous l’avons souvent empruntée. » Mais nous l’avons affaiblie. Aussi ne me semble-t-elle pas si banale.

À la tête du collège, le recteur avait au-dessus de lui les visiteurs, le provincial de France, le général, — comme nos proviseurs ont au-dessus d’eux les inspecteurs, leur recteur et le ministre ; mais le général était un ministre durable. Près de lui, les conseillers. Au-dessous de lui, le préfet des études qui jouait le rôle d’un vice-recteur, le principal chargé des pensionnaires, le ministre chargé des religieux, les procureurs, les surveillants. Le général représentait l’autorité sans appel ; le provincial, nommé pour trois ans, choisissait le recteur, le préfet des études, le principal, les prédicateurs. Les visiteurs ne ressemblaient pas à nos inspecteurs qui, chaque année, jugent en une heure du passé, du présent et de l’avenir d’une classe et de son maître. Ils s’installaient au collège, y vivaient des semaines et des mois et apprenaient lentement à se faire une opinion. Mais ce qu’il y a de très remarquable dans cette organisation, c’est la somme d’initiative et de responsabilité qu’elle laissait à chacun de ses membres, tout en le liant étroitement à la communauté. Le recteur, plus soumis au provincial et au général que le proviseur moderne à son recteur et à son ministre, disposait de pouvoirs beaucoup plus étendus. En 1850, le proviseur de Louis-le-Grand, M. Rinn, avait le courage de protester contre la situation cruelle que l’Université faisait à ses proviseurs : « Le défaut de succès, disait-il, leur est toujours imputé, bien que les causes soient indépendantes de leur volonté. J’ignore ce que sont devenues mes propositions de cette année. Je ne suis poins admis à les défendre : tout est décidé, et décidé par MM. les Inspecteurs généraux qui n’ont aucune responsabilité. » Le recteur de Clermont recrutait son personnel : le proviseur d’aujourd’hui est souvent obligé de subir des fonctionnaires qui manifestement nuisent à son lycée. Le recteur de