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d’où pendaient des mouchettes de fer. La cuisine, l’infirmerie et une chambre voisine du réfectoire étaient en hiver les seules pièces chauffées. Mais un recteur de 1639 avait posé en principe que le froid échauffait la vertu. Les élèves ne demandaient pas à être si vertueux, et ils usaient de ruse pour attraper un air de feu. Comme il ne leur était permis de quitter la cour que si l’eau bénite gelait à la chapelle, un gamin du nom d’Arouet glissait de petits glaçons dans le bénitier. Il ne savait pas combien sa gaminerie symbolisait déjà son œuvre future. Les réfectoires étaient, comme les classes, au rez-de-chaussée. On y buvait la même eau rougie qu’aujourd’hui, mais la nourriture avait une abondance et une variété que le XIXe siècle n’a pas connue, ni le XXe. M. Dupont-Ferrier, qui ne néglige aucun détail, nous dit que la vaisselle était de terre cuite ou d’étain. Qu’elle fût d’étain, nous ne l’ignorions pas, depuis la sixième Lettre à un Provincial où Pascal nous raconte, avec son terrible enjouement, l’aventure de Jean d’Alba qui, au service des Pères, mal satisfait de ses gages, mais très ferré sur la casuistique, s’inspira de leur doctrine pour se payer lui-même et leur vola des plats d’étain. Il est vrai qu’en 1776, — quinze ans après l’expulsion des Jésuites, — le caissier du collège détourna cent vingt mille francs, parce qu’il aimait à manger dans de la vaisselle d’argent. Et personne ne dit qu’il avait étudié la Somme des Péchés du P. Bauny. Si rude encore que nous paraisse l’organisation matérielle du vieux collège, elle réalisait de grands progrès sur celle des collèges voisins ; et soyons sûrs que, dans deux cents ans, ceux qui liront les descriptions du lycée d’aujourd’hui plaindront à leur tour nos enfants d’avoir été logés si peu confortablement et comprendront mal que les maîtres aient pu s’accommoder d’une installation, — qui ne leur offrait même pas un endroit convenable où se laver les mains.


le personnel

Mais les plus grandes, les plus sérieuses nouveautés du collège de Clermont n’étaient ni dans sa cuisine ni dans son aménagement. La première de toutes, celle qui nous explique comment il a tenu tête à des attaques deux fois séculaires, consistait dans la solidité de sa hiérarchie. Son organisation spirituelle