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promesse de partir. Le président du Conseil fait expédier son wagon-salon, où les tapissiers travaillent depuis quarante-huit heures pour aménager la voiture qui doit emporter Charles de Habsbourg… Le Gouvernement hongrois ne pouvait deviner les difficultés qui allaient naître de cette prévenance. Plus d’une fois, on dut regretter de ne pas avoir fait partir le Roi, comme il en avait été question, en automobile, incognito.

A peine le train royal est-il en Autriche que le groupe parlementaire des socialistes s’oppose à le laisser traverser le pays. Il exige que des représentants du groupe, accompagnés d’une escorte de la Vehrmacht, dont on connaît les idées socialistes, montent dans le train. Finalement, et puisqu’il faut les subir, ces conditions sont acceptées ; mais, en même temps, pour éviter toute violence possible, les trois Puissances, France, Angleterre et Italie, envoient quelques officiers et des soldats qui prennent place dans une voiture proche de celle du Roi.

Puisqu’on avait cédé aux exigences des socialistes, il semblait qu’on dût compter sur leur bonne volonté. Il n’en est rien. Peu avant d’arriver à Brück, en pleine nuit, le train royal est obligé de stopper. La gare est envahie par des ouvriers de la région et par des cheminots. Ils sont plusieurs centaines, poussant des cris, proférant des injures. Ils se vantent, quand le Roi passera, de le forcer à descendre pour lui dire son fait. Les plus violents parlent de pendre le Habsbourg.

Plusieurs heures passent pendant lesquelles, dans l’entourage du Roi, on envisage toutes les possibilités : le faire partir, en automobile, par des chemins détournés ; le faire monter en avion ; le ramener à Vienne ; mais, alors, quelle situation ! l’ancien souverain sera prisonnier dans sa propre capitale !…

Après de longues et vives discussions, les députés socialistes qui étaient dans le train et dont la présence, alors, fut utile, finissent par obtenir des ouvriers et des cheminots qu’ils veuillent bien se retirer. Le train royal passe.

Cet incident fut le dernier du voyage. Il ne fut que pénible. Il aurait pu devenir tragique. Laissons-le méditer à ceux et à celles qui, si follement, ont lancé le roi Charles dans la plus téméraire, la plus vaine des aventures.


HENRIETTE CELARIE.