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faibles quand ils ont une idée, il s’entête. Lorsqu’on lui demande :

— Mais, enfin, qui a pu vous décider à une entreprise aussi folle ?

Il répond :

— M. Briand lui-même[1].

Devant l’incrédulité que rencontre une assertion aussi invraisemblable, le Roi évite de la répéter ; il se dérobe et, évasif, parle de conseils que lui aurait donnés le prince Sixte.

Cependant, en ville, et quoique le Gouvernement se soit efforcé de tenir la nouvelle secrète, celle-ci n’a pas tardé à se répandre. C’est jour de Pâques. Il fait beau. L’air tiède, le ciel bleu invitent à la promenade. Tous les habitants sont dehors. Ainsi qu’ils en ont l’habitude, ils circulent sur le Corso ou prennent quelque consommation aux terrasses des cafés qui bordent la promenade. L’annonce de la présence du Roi ne produit aucune impression. On en parle comme d’un incident sans conséquence.

— Vous savez que le Roi est à Bude ?

— Je viens de l’entendre dire.

Pas de commentaires sur l’événement. Seuls quelques ardents royalistes affirment :

— Il est à Bude et il y restera.

Si on leur objecte que c’est impossible, ils répondent :

— S’il part, ce sera pour mieux revenir…

Le comte Téléki a fini par arriver au palais. Après d’âpres discussions, il obtient du Roi la promesse formelle de repartir pour l’Autriche. Promesse du bout des lèvres, que le Roi est résolu à ne point tenir. Il remonte en automobile avec deux jeunes officiers, mais, vivement, refuse la société du comte Téléki, lorsque celui-ci s’offre pour l’accompagner à la frontière.

Aussitôt mis en défiance, le président du Conseil part derrière le Roi dont il a deviné les intentions secrètes. Bien lui en prend. Sous prétexte d’une indisposition, Charles de Habsbourg s’arrête, de nouveau, à Szombathely.

Avertis des événements, les ministres de France, d’Angleterre et d’Italie se réunissent et, dès le lendemain, décident de faire une démarche auprès du Gouverneur, afin d’affirmer nettement la volonté des Alliés de ne pas tolérer la restauration

  1. Cette affirmation a été officiellement démentie : d’abord par notre ministre à Budapest, M. Fouché ; puis par M. Briand lui-même qui, dans une dépêche, a qualifié les paroles du roi Charles de : « pure invention. »