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qui, originaire de ce pays, est venu, de son côté, y faire, au moment de Pâques, une courte villégiature.

Le Roi est accompagné du comte Erdödy, dans le domaine duquel il semble bien qu’il vienne de passer quelques jours. Il est couvert de poussière. On a dit qu’il s’était maquillé : c’est faux. Mais sa casquette d’automobiliste, qu’il porte enfoncée jusqu’aux yeux, le rend méconnaissable. « Il avait raconte un témoin, l’air d’un commis-voyageur. » Le comte Téléki, invité à monter immédiatement chez le Roi, le croise dans un couloir mi-obscur et ne le reconnaît pas.

Le Roi paraît un peu agité, mais fort résolu. Sans préambule, il déclare au comte Téléki qu’il vient pour reprendre possession de son royaume, qu’il le confirme dans les fonctions de président du Conseil et va partir, dans un instant, pour Budapest.

Le comte Téléki fait aussitôt ressortir l’impossibilité d’une pareille entreprise. Il dit la menace d’une invasion étrangère immédiate si le Roi persiste dans son projet. Il l’adjure de retourner sur le champ en Autriche, afin de ne pas entraîner la Hongrie à une catastrophe certaine. Afin de le décider à partir, il use de tous les arguments. Ainsi que les personnes présentes, il promet le secret absolu sur cette équipée. Le Roi tient bon. Il est alors cinq heures du matin.

Devant la difficulté d’avertir le Régent Horthy, par téléphone, à une heure aussi matinale, et également dans la crainte d’ébruiter l’événement, le comte Téléki se décide à gagner lui-même Budapest. Grâce à la puissance de sa machine, il espère devancer le Roi ; mais le hasard est contre lui : une panne de moteur lui fait perdre du temps. Par surcroît, son mécanicien s’égare dans des chemins de traverse. Téléki n’arrive à Bude que vers trois heures de l’après-midi. Le Roi est entré au château, à une heure.

Il est maintenant en uniforme ; mais tout le monde, à Budapest, le croit si bien en Suisse que ceux même qui le croisent ne font à lui aucune attention. Il passe devant le palais de son cousin, l’archiduc Joseph. Celui-ci est à une des fenêtres :

— Le Roi, racontera l’Archiduc, m’a fait un signe amical de la main, comme pour me dire bonjour. Je pensais si peu à le voir, que je ne l’ai pas reconnu.

Tout semble se réunir pour favoriser l’entreprise. Le Roi entre au palais royal. A l’un des officiers de garde il se fait connaître,