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les numéros de l’Arbeiter Zeitung, lui prête des livres de son parti. Elle les dévore et commence d’ouvrir les yeux sur ce qu’elle appelle l’injustice de son sort. Elle va dans les réunions socialistes : elle y entend parler de l’exploitation des ouvriers par le patron ; elle remarque qu’il n’y est jamais dit un mut d’une exploitation beaucoup plus certaine et plus révoltante : celle de l’ouvrière. L’ouvrière n’est pas seulement victime du patronat ; elle l’est encore, et bien davantage, du milieu où elle vit et de ceux qu’elle y rencontre : ouvriers comme elle et contre-maîtres. C’est ce que, plus tard, Frau Popp résumera dans cette formule violente : « L’atelier est un lieu de prostitution sanctifié par la loi. »

Un heureux mariage va la tirer de la situation d’ouvrière. Elle épouse le directeur de l’Arbeiter Zeitung, beaucoup plus âgé qu’elle et qui, après quelques années, la laisse veuve avec deux petits garçons.

Sa vie publique a commencé à l’atelier, où elle s’efforçait de créer de l’agitation pour organiser des manifestations le 1er mai. Elle parle dans les réunions publiques, écrit des articles de journaux : un article en faveur de l’union libre lui vaut une condamnation à quinze jours de prison comportant, aggravation de peine, deux jours de jeûne. Dès 1892, elle réclame le vote et l’éligibilité des femmes. Quand la loi les lui accorde, après la révolution, elle se porte immédiatement à la députation. Elle est élue, sans concurrent. Au Parlement, c’est elle qui fait passer la loi portant abrogation des titres nobiliaires, et aussi la loi sur les domestiques. En vertu de cette loi, les domestiques ne doivent pas travailler plus de onze heures par jour. On ne peut leur faire commencer leur ouvrage avant six heures ; ils doivent le cesser à neuf heures. Ils ont droit à un après-midi de liberté, en semaine, chaque quinzaine, et à la journée du dimanche, deux fois par mois. On doit leur laisser la jouissance d’une chambre fermant à clé.

— À présent, continue Frau Popp, je lutte afin d’obtenir aux divorcés le droit de se remarier. Le divorce, sans la possibilité du remariage, mène, presque fatalement, à l’immoralité. En Autriche, le mariage religieux n’est pas précédé d’un mariage civil ; celui-ci n’existe que pour les fiancés qui ne se réclament d’aucune confession. Il s’ensuit que, l’Église ne reconnaissant pas le divorce, les divorcés n’ont pas le droit de se remarier.